Plus important (peut-être) que le Grand Paris Express : le Tram Express Nord

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Mis à jour le vendredi 28 janvier 2022 by Olivier Delahaye

Dans quatre ans, une nouvelle rocade de transport traversera l’espace francilien. Non, il ne s’agit pas d’une accélération brutale du lancement du Grand Paris Express. Mais de son petit frère. Le Tram Express Nord possède en effet de nombreux points communs avec le super métro.

Quel projet de transport ferré devrait mettre 30 ans à se faire, favorisant les déplacements de banlieue à banlieue et impactant fortement les territoires qu’il traverse du point de vue de leur urbanisme et de leur développement économique ? Si vous répondez : le Grand Paris Express, vous êtes loin du compte. L’objet en question s’appelle Tangentielle Nord. Un nom moins sexy. D’ailleurs, depuis le 22 janvier, le STIF, conscient de cette médiocre appellation, l’a rebaptisé. On dit maintenant : Tram Express Nord.

Chaînon manquant

D’ouest en est, de Sartrouville à Noisy-le-Sec en passant par Villetaneuse, le Tram Express Nord formera une sorte d’arc de cercle sur 28 km, s’arrêtera à 14 gares pour desservir 16 communes et transporter au moins 150 000 passagers par jour. « Si on prend en compte la zone rapprochée autour de cette tangentielle, cela fait un bassin de 627 000 habitants, explique l’urbaniste Jean-Louis Subileau ; mais sur la zone d’influence, cela concerne 1 350 000 habitants et environ 450 000 emplois. » Jean-Louis Subileau travaille sur la charte d’aménagement de cette nouvelle ligne et, pour lui, il n’est pas exagéré de dire que « le Tram Express Nord aura autant d’importance que le Grand Paris Express. On en parle très peu, il est éclipsé sur le plan de la notoriété, mais il a été décidé avant et entrera en fonction avant. Depuis le temps que l’on dit que l’on doit faire des tangentielles en banlieue, la voilà enfin. »

Plus au nord que le Grand Paris Express, et presque parallèle, ce tram-train construit en partie le long de la Grande Ceinture (ligne de fret à 15 km de Paris) opère en effet, dans cette partie du territoire francilien, comme un chainon manquant du maillage des transports ferrés. Sur son parcours, il croisera tous les RER (A, B, C, D, E), les transiliens H et J, les tramways T1 et T8, et même, à terme, le Grand Paris Express. Au total, huit de ses gares offriront des interconnexions avec les RER et deux avec les tramways.

« La tangentielle permettra énormément de rabattements, dit Jean-Louis Subilieau, elle offrira un accès aux zones d’emploi et aux équipements sur un très large éventail et constituera avec les autres liaisons des pôles d’échange intermodaux très importants. »

Jean-Louis Subileau

Le Bourget sera à coup sûr l’un d’eux, à la croisée de la tangentielle, du RER B et des lignes 16 et 17 du Grand Paris Express.

Désenclavement au nord

D’ailleurs, Le Bourget formera avec Épinay-sur-Seine l’un des deux terminus du premier tronçon en chantier depuis 2010. La ligne se prolongera ensuite vers l’est jusqu’à Noisy-le-Sec et vers l’ouest jusqu’à Sartrouville. On peut s’étonner que l’on commence ainsi en plein milieu. Et plus particulièrement sur cinq villes de la communauté d’agglomération de Plaine Commune : Épinay, Villetaneuse, Pierrefitte, Stains et la Courneuve. Mais pour Patrick Braouezec, président de Plaine Commune, le mystère est vite levé : « Nous avons tout simplement été les plus actifs sur ce projet au moment de la signature du contrat de plan État-Région. Nous avons su parler d’une seule voix, au contraire peut-être d’autres villes comme Sartrouville ou Argenteuil qui y sont allées chacune de leur côté. Dès la création de Plaine Commune (en 2001, NDLR), nous avions élaboré un plan cohérent sur les transports en commun qui concernait le Tram T8, les prolongements des lignes 12 et 14 du métro et la Tangentielle Nord. Cela nous a mis en position de force pour être entendu par la Région et par l’État. »

Tracé Tangentielle nord
Le tracé du Tram Express Nord

Pour les cinq villes au nord de Plaine Commune, l’enjeu sonne en un mot simple : désenclavement. Il se traduit en chiffres : il faut 58 minutes aujourd’hui pour aller d’Épinay au Bourget ; la Tangentielle Nord devrait raccorder les deux villes en moins de 20 minutes. « Les transports en commun banlieue-banlieue font cruellement défaut au nord de notre territoire, rappelle Patrick Braouezec. Pour les habitants, la tangentielle représentera un nouveau moyen de déplacement extrêmement important. » Des propos qui ressemblent bien à ceux que l’on entend sur le Grand Paris Express et qui donnent en écho la mesure de ce que sera le Tram Express Nord.

« C’est aussi une question de rééquilibrage pour Plaine Commune entre le sud et le nord du territoire, souligne Jean-Louis Subileau. Quelque soient les critères que l’on prenne, la population du nord est la plus défavorisée. Elle est aussi bien plus défavorisée que la moyenne francilienne : moins de diplômés, plus d’ouvriers, plus de jeunes, donc moins motorisés, moins de richesses fiscales… La tangentielle jouxte 27 quartiers qui font l’objet de politiques d’actions de l’ANRU. Elle aura donc une vertu sociale importante, donnant accès à des zones d’emploi et impactant le développement économique de ces territoires. » Outre Le Bourget, Villetaneuse pourra en profiter à plein, réactivant la centralité de son université et la connectant plus facilement à celle de Saint-Denis.

Développements économiques et urbains

Si le Grand Paris Express créera 57 gares sur les 72 de son réseau, la Tangentielle Nord en construira 6 nouvelles. Certes pas le même volume, mais une occasion offerte à des villes au vécu urbain compliqué de se refaire une beauté.

« Dès lors que vous avez une nouvelle gare, vous avez des aménagements possibles, constate Patrick Braouezec. Vous avez l’opportunité de créer du logement et de l’activité tertiaire. »

Du développement urbain, donc. « Il suffit de regarder ce qui a pu être fait avec les récents tramways, poursuit Jean-Louis Subileau, la transformation urbaine de la partie sud de Paris, par exemple, ou le long du T5 pour comprendre à quel point les maires des communes traversées attendent impatiemment cette ligne. » Elles seront 16 lorsque la deuxième phase sera achevée, impliquant Sartrouville et Argenteuil à l’ouest dans une véritable dynamique métropolitaine. Deux villes de grande couronne, donc non concernées par la future Métropole du Grand Paris. Ce qui fait dire à Jean-Louis Subileau que « la Tangentielle Nord reflète bien le caractère artificiel du découpage métropolitain. Plutôt la Métropole s’élargira, plutôt elle correspondra aux réalités de l’agglomération parisienne. » Le tracé du Grand Paris Express qui s’étend vers Roissy, Marne-la-Vallée ou Saclay offre le même constat. Même si, ici, les dynamiques sont moins puissantes, l’accès à La Défense, Roissy ou Cergy-Pontoise sera éminemment renforcé pour un habitant de Stains ou d’Argenteuil. Les transports structurant l’espace, le « fait métropolitain », comme aiment à l’appeler les experts, ne sera sans doute pas le même en 2030 qu’en 2013.

Réaménagement urbain pour Villetaneuse
Réaménagement urbain pour Villetaneuse

Un projet générationnel

Maillage, désenclavement, développement économique et urbain, rééquilibrage des territoires, transport rapide (50 km/h en vitesse de croisière) en rocade et fréquent (un tram-train toutes les 5 minutes)… Nous avons là toutes les caractéristiques de ce qu’on peut lire sur le site de la Société du Grand Paris à propos de son super métro. Il en est une autre, moins glorieuse : le temps mis par le projet. Originellement, la Tangentielle Nord était inscrite au Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) en 1994 puis aux Contrats de plan État-Région 2000-2006 et 2007-2014. Lancée en 1999 par une concertation préalable, elle n’a été mise en chantier qu’en 2010 sur son premier tronçon qui sera achevé en 2018. Pour la deuxième phase, rien n’est encore sûr, mais les plus optimistes tablent sur une mise en service complète de la ligne en 2023. Soit près de 30 ans après l’inscription au SDRIF.

Si le temps des collectivités est un temps long, celui des transports publics se compte en générations. Patrick Braouezec y voit « l’aléa des financements de la Région et de son autorité organisatrice des transports, le STIF. On sait que souvent il y a du retard. » Mais il va un peu plus loin : « Le STIF a sous-estimé les difficultés en termes d’acquisitions foncières nécessaires en amont pour construire la ligne. » De son côté, le président de la Région, Jean-Paul Huchon, renvoie la balle aux opérateurs ferroviaires, en déclarant récemment dans 20 minutes : « On s’est aperçu en fait que SNCF et RFF n’avaient pas engagé le nombre et la qualité nécessaires en ingénierie. La réforme ferroviaire entre SNCF et RFF va certainement simplifier les choses. » Le Tram Express Nord pourra de toute manière s’enorgueillir de devancer son grand frère puisque, depuis un livre blanc paru en 1990 proposant une « rocade des pôles », le Grand Paris Express devrait être bouclé au mieux 40 ans plus tard.

Chiffres-clefs
28 km de tracé
14 gares dont 6 nouvelles
16 communes et 3 départements traversés
13 interconnexions (RER, Transiliens et tramways)
150 000 voyageurs/jour
29 800 voyageurs attendus aux heures de pointe du matin (phases 1 et 2)
Coût : 600 millions d’euros pour la phase 1
Mise en service : 2018 pour la phase 1 – 2023 pour la phase 2

4 Commentaires

  1. Il faut préciser que pour la phase 1, RFF et SNCF se sont engagés à une mise en service en juillet 2017.
    Pour la phase 2, les études d’avant-projet sont prêtes et ont été expertisées par le STIF, il faut donc d’urgence décider du financement de cette partie (env 900M€) qui peut être mise en service bien avant les lignes 15 est, 15 ouest, 16 et 17 dont les études sont moins avancées.

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