78 et 92 : le mariage anti-métropolitain

Mis à jour le samedi 6 juin 2020 by Olivier Delahaye

Les deux départements de l’ouest parisien ne veulent pas d’une Métropole « dans laquelle ils croient mais pas comme ça. » Yvelines et Hauts-de-Seine font donc un pas vers un rapprochement qu’ils souhaitent total, en invoquant certaines dynamiques communes.

Ce vendredi les deux conseils départementaux du 78 et du 92 ont voté leur rapprochement. « Ce n’est pas une fusion, c’est le début d’un processus vers la fusion », précisait le président LR du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian. À l’heure de l’intégration de la petite couronne dans la Métropole du Grand Paris, le 92 décide donc de se tourner de l’autre côté, vers son grand voisin avec qui il possède « la plus grande limite départementale d’Île-de-France »

Ce qui fusionne

Le rapprochement débute par la création d’un établissement public de coopération interdépartementale. Siégeant à Vélizy-Villacoublay, ville frontière du 78, ce nouvel outil « conduira toutes les actions d’intérêt interdépartemental dans les domaines de compétence qui lui seront transférées par les Départements. » Les acteurs du projet ne prévoient aucune dépense supplémentaire. Au contraire, la raison d’être de cet EPCI est justement « d’identifier les thématiques et les projets susceptibles de réaliser des économies » ou de « développer de nouvelles actions sans coût supplémentaire. » Des pistes ont déjà été lancées :

  • création d’un service interdépartemental d’archéologie préventive,
  • réalisation conjointe des schémas départementaux d’action sociale et médico-sociale,
  • mise en commun des services d’entretien et d’exploitation du réseau routier interdépartemental,
  • développement d’une politique et d’une logistique commune pour le développement des usages numériques dans les collèges…

Parallèlement, les deux principales sociétés d’aménagement des deux Départements, la SEM 92 et Yvelines Aménagement, fusionneront d’ici la fin de l’année 2016 pour « constituer un ensemble de plus d’une centaine de collaborateurs. »

Eole oui, densité non

Fustigeant la « nullité de l’État aménageur des années 1960 » qui lui a légué les ZUP des Mureaux ou de Mantes-la-Jolie (« c’est la ZUP à la grimace », rigolait Patrick Devedjian), Pierre Bédier, président LR du Conseil départemental des Yvelines voit dans cette nouvelle SEM une réponse aux besoins des élus locaux. Pour Patrick Devedjian, « c’est une offre de concurrence face à la pensée technocratique de l’État », et à son bras armé, Grand Paris Aménagement. L’homme fort des Hauts-de-Seine souhaite même qu’elle développe des outils conceptuels pour déranger la pensée dominante de la densification : « Une autre politique doit voir le jour que la densification. »

Mais surtout, les deux Départements de l’ouest souhaitent encourager sur leurs territoires un développement économique qu’ils ne laisseront pas à la seule Région. Ils entendent profiter pour cela de l’extension d’Eole, « un projet majeur pour irriguer l’économie de nos territoires » (P. Devedjian), mais aussi de la ligne 6 du tramway « qui a vocation à rejoindre la ligne 18 du Grand Paris Express à Saint-Quentin en Yvelines » (P. Bédier). Désenclaver Saclay, favoriser l’accès à La Défense pour les habitants du 78, développer l’Axe Seine… les deux Départements voient dans leur association un moyen d’encourager leur économie et donc leurs recettes fiscales.

Sortir de la Métropole avant d’y entrer

Le fait est que l’un d’entre eux est aussi menacé d’extinction. De plain-pied dans la Métropole, les Hauts-de-Seine pourraient à terme disparaître. Pour l’opposition à son Conseil, la pilule est amère : « Nous savons que votre choix de fusionner à terme avec les Yvelines s’est construit sur la menace de fusion des départements au sein de la nouvelle Métropole. Et pour éviter ce danger, que nous proposez-vous ? La disparition des Hauts-de-Seine dans un nouveau département allant des frontières de Paris aux limites de la Normandie. C’est une curieuse façon d’éviter le danger de disparition en l’anticipant ! », réagissait le communiste Gabriel Massou face à Patrick Devedjian.

Si 78 et 92 ont effectivement une longue frontière commune, leur profil est radicalement différent. Les Yvelines possède un territoire 13 fois plus grand pour moins d’habitants (1,4 M contre 1,7 M), des espaces naturels sur les ¾ de sa surface (contre 45% au 92) et un budget de 30% moindre : 1,4 Md€ contre 2,1Mds€ pour le 92. Leur association n’est donc pas d’une cohérence folle, elle ressemble plutôt à une mini-région Île-de-France ou bien à une métropole et son « back-office ». À moins que la cohérence soit à rechercher du côté du potentiel fiscal des habitants, le revenu médian y étant à peu près similaire : 25 520€ dans les Hauts-de-Seine pour 25 144€ dans les Yvelines, quand il est de 16 609€ en Seine-Saint-Denis. Autrement dit, quand il s’agit d’intégrer une Métropole pour y partager les richesses, les édiles des Hauts-de-Seine préfèrent l’entre-soi.

Car le 92 pourrait effectivement éviter une intégration directe dans la Métropole si cette fusion était actée par le gouvernement. Pour Patrick Devedjian, reste « à démontrer l’efficacité des premières mesures afin d’engager pleinement son processus. »

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