À La Courneuve, il y a le parc, ses oiseaux et Roland castro

Image du projet de Central Park de Roland Castro
Vue éventuelle du projet. Crédit : Atelier Castro-Denissof

Mis à jour le jeudi 6 août 2020 by Olivier Delahaye

L’architecte ne désarme pas. En présentant son projet de « Central Park » du Grand Paris ce mercredi, Roland Castro reprenait son rêve multipolaire vieux de trente ans : créer une autre vraie centralité au sein de la métropole en faisant du parc Georges-Valbon à la Courneuve un parc habitable. Convoquant rêve français, nature en ville, rayonnement mondial et bonheur des habitants. Mince !

Le 26 juillet 1983, Roland Castro et son acolyte de l’époque, l’urbaniste Michel Cantal-Dupart, offraient à François Mitterrand en visite à la cité des 4000 de La Courneuve une carte d’aménagement du Grand Paris sous forme d’aquarelle. Déjà, la transformation du parc de La Courneuve en un Central Park était dans l’air. 25 ans plus tard, il remettait l’idée sur le tapis lors de la Consultation internationale sur le Grand Paris voulue par Nicolas Sarkozy. Il est alors rejoint alors par le groupe Descartes et Yves Lion qui en donnent leur propre vision. Le principe porteur en est la densification, ou l’intensification, construire la ville sur la ville. « Les parcs, peut-on lire sur le site de l’Atelier International du Grand Paris, permettent de vivre la densité de façon sereine en offrant un espace de nature et de repos. Ils sont, à ce titre, des éléments clés pour l’acceptation de la densité urbaine. Urbaniser leurs alentours, en périphérie, permettrait de créer des espaces de forte densité, et de répondre ainsi aux objectifs de construction de logement tout en créant une qualité de vie exceptionnelle. »

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La version 2008 de Roland Castro pour le parc…
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… et celle de Yves Lion

Six années encore (soit 30 ans, 3 mois et 3 jours après le 26 juillet 1983), et Roland Castro revient donc à la charge. Il a changé les visuels de 2008 qui avaient frémir certains et aiguisé ses arguments. Il a orchestré une évidence en observant les transformations en cours de la Seine-Saint-Denis. Il s’est associé à CDU qui pilote et monte des projets urbains (on leur doit la folle idée de transformation de l’avenue Foch) et au bureau d’études en développement durable LesEnR.

« La naissance de la métropole »

Car cette fois c’est du sérieux. La preuve : « On n’en a pas fait une tribune dans la presse, explique Marc Rozenblat, directeur général de CDU, mais un livre. » Pas non plus un ouvrage d’architecte avec cartes et visions idylliques, mais un desciptif complet du projet intégrant les enjeux réglementaires et son montage opérationnel. Enfin, quand on dit projet… « C’est moins qu’un projet, prévient Marc Rozenblat, et c’est plus qu’un projet. » Alors quoi ? « Un scénario. Un pitch. Les grandes lignes d’une histoire pas totalement écrite. » Voir mieux, carrément : « La naissance de la métropole ». Et Marc Rozenblat d’argumenter : « Aujourd’hui, pour le grand public, le Grand Paris s’incarne par un métro (il n’a pas tort : voir ), mais un métro fait-il le Grand Paris ? Est-ce que construire des quartiers de gare fait métropole ? Le Grand Paris, c’est simplement Paris en grand. Il existera lorsqu’existeront d’autres centralités que Paris. »

Le principe fondateur est là et il n’a pas bougé depuis 1983. Le polycentrisme. Celui que défend aussi Patrick Braouezec, président de Plaine Commune et donc directement intéressé par le « projet » : « Ce n’est pas la péréquation qui rééquilibrera les territoires, mais le fait de donner des possibilités de développement. » On pourrait ajouter que densifier, construire la ville sur la ville, démultiplier la production de logements ou lancer un métro périphérique ne forment pas un projet métropolitain. Le polycentrisme, oui. Encore faut-il pouvoir le mettre en œuvre.

Le « projet »

À l’image de Central Park à New York ou de Hyde Park à Londres, l’idée est donc de rendre habitable le troisième plus grand parc métropolitain (417 ha). Donc de construire sur son pourtour 24 000 logements (soit 1,7 millions de mètres carrés) qui accueilleraient 90 000 habitants. En élargissant un peu le périmètre concerné, les concepteurs évaluent même la possibilité de 45 000 logements et 3,1 millions de mètres carrés. Du jamais vu depuis les Trente glorieuses.

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Vue « éventuelle » du projet

Certes, cela ne suffit pas à créer une centralité. Encore faut-il aménager, relier au parc les villes en bordure (La Courneuve, Stains, Garges-lès-Gonesse, Dugny, Saint-Denis, Le Bourget) : « Aujourd’hui, on va au parc pour les loisirs, en voiture, mais on ne le traverse pas au quotidien », note Patrick Braouezec. Encore faut-il vouloir requalifier les voies routières qui l’enserrent et l’enclavent comme l’autoroute A1. Encore faut-il faire quartier en bâtissant des commerces, des équipements publics, des espaces de loisirs, des bureaux, bref en réalisant cette fameuse mixité fonctionnelle qui est sur toutes les lèvres.

Encore faut-il faire rayonner cette centralité à l’échelle du territoire en la proposant comme outil fédérateur de la cinquantaine de projets disséminés autour, d’Europa City au Campus Condorcet, du cœur de ville de Drancy à la ZAC multisite de Gonesse. Encore faut-il la définir comme objet même de centralité nationale en y implantant, pourquoi pas, le ministère du Logement (en 2007, Roland Castro, alors candidat à la présidentielle, imaginait plutôt celui des Affaires étrangères). Et encore faut-il la relier à des transports en commun. Pour ça, l’architecte et ses amis comptent sur deux atouts. Le Grand Paris Express, forcément, avec une gare disposée sur sa ligne 16, La Courneuve-Six Routes, prévue au mieux en 2023. Mais surtout, ils enfourchent le train de la Tangentielle Nord dont le chantier bien plus avancé livrera deux gares aux abords du parc, à Stains et Dugny, dès 2018. Une aubaine.

Potentiel de rayonnement du parc
Un projet qui fédèrerait les projets alentours (in « Le Central Park du Grand Paris »)

Le hic : les oiseaux

Lorsqu’en 2008, Roland Castro avait dévoilé son projet de Central Park à La Courneuve pour la Consultation internationale et en avait fait l’un des hauts lieux de sa capitale multipolaire, tout le monde avait applaudi des deux mains. « Et puis, on a évoqué le fait que le parc était en zone Natura 2000, raconte Marc Rozenblat, et on a classé le projet. » C’est le hic effectivement. Depuis 2006, 312 des 417 ha du parc Georges-Valbon sont classés Natura 2000 au titre des directives oiseaux et habitats, abritant plusieurs espèces remarquables (blongios nain, pic noir, gorgebleu à miroir…), mais aussi des milieux naturels sensibles (ripisylves, gravières, prairies séches…). On aurait vite fait de se décourager face à l’obstacle que constitue une telle zone protégée. Pas les porteurs du projet. « Nous, au lieu de voir le nœud, on regarde les fils, métaphorise Marc Rozenblat, et pour chaque fil il y a une solution. Nous avons donc été à Bruxelles (car le réseau Natura 2000 est piloté par l’Union européenne, NDLR) où l’on nous a assuré que juridiquement il était possible de construire sur le site. » Mais à certaines conditions.

Le périmètre Natura 2000 et les enjeux écologiques (in « Le Central Park du Grand Paris »)

Chez France Nature Environnement, Maxime Paquin explique « qu’un projet d’aménagement sur un site Natura 2000 doit faire l’objet d’une évaluation d’incidences, autrement dit une étude d’impact ciblée sur les habitats et les espèces qui ont justifié le classement du site au réseau Natura 2000. » Réalisée par un bureau d’études, cette évaluation est à la charge du pétitionnaire, et selon l’analyse le projet peut être amendé, reconfiguré ou donner lieu à des mesures compensatoires. Cela tombe bien, c’est justement ce qui a été prévu. Alors que 70 ha de la zone protégée seront impactés par l’aménagement urbain, les porteurs du projet prévoient une zone de compensation de 140 ha, avec même, selon François-Xavier Monaco, gérant de Les EnR, « l’éventualité d’amener d’autres espèces dans le parc. » Mieux, ils revendiquent l’idée que le projet pourrait financer les continuités écologiques que constituent les fameuses trames vertes et bleues voulues par le Schéma régional de cohérence écologique (SRCE). Un projet urbain qui crée de la « nature », voilà bien un paradoxe qui confirme son « âme poétique » chère à Roland Castro.

Vue nocturne du projet de l’Atelier Castro-Denissof

Démocratie VS escroquerie intellectuelle

Car l’architecte rêve « tomates, poireaux, start-ups et congrés d’ornithologistes » en même temps. Il imagine Cédric Villani y créer un laboratoire de mathématiques. Il fantasme : « Ça va fleurter là-dedans. Le premier quartier “meetic“ ! » Pour lui, « c’est une idée à la Spinoza, génératrice d’autres idées. » Les élus qu’il a séduit dont le président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel (le parc Georges-Valbon est un parc départemental), sont plus pragmatiques. « Cela donne sens à notre discours sur le rééquilibrage territorial, annonce ce dernier, mais il ne s’agit de faire ni un îlot de riches, ni un ghetto de pauvres. » Mixité encore. Cette fois sociale. Patrick Braouezec prévient aussi du « danger de gentrification » qu’implique souvent un tel projet. Ses promoteurs répondent logements sociaux, un parc rendu aux habitants, devenu « un élément fédérateur alors qu’aujourd’hui il sépare les communes avoisinantes », dixit François-Xavier Monaco.

Il faudra sans doute aller un peu plus loin que cela. Impliquer non seulement les élus, mais aussi « les habitants et les “outils“ locaux », selon Stéphane Troussel. Peut-être même, comme l’imagine Patrick Braouezec, en faire le premier « grand projet démocratique de la métropole ». Et courir voir les associations locales qui ne manqueraient pas de faire pleuvoir les recours. Déjà, sur son blog, « Bagnolet en vert » dénonce un projet qui « réduit l’emprise du parc existant pour y édifier près de 2 000 immeubles dont de nombreuses tours allant jusqu’à 20 étages, ajoutant 90 000 habitants à une banlieue qui n’en peut mais. Présenter ce projet bétonnant comme un “Central Park“ n’est ni plus ni moins que de l’escroquerie intellectuelle. » Dont acte. Pour être à la hauteur de ses ambitions, le « Central Park » du Grand Paris a tout intérêt à devenir citoyen et donc partagé.

Un projet autofinancé ?
Au tout début du tout début, il y a le désir, les cartes, les visuels, et les lignes d’écriture. Pas encore les lignes de compte. « On ne peut pas dire aujourd’hui combien cela va coûter », prévient Marc Rozenblat. Mais de faire tout de même une estimation du coût de l’aménagement urbain, « sans les bâtiments » : environ 500 millions d’euros. Ce que le DG de CDU met en avant, c’est ce que le projet pourrait rapporter à l’Etat : 3 milliards d’euros en recettes fiscales (TVA) et droits de mutation à titre onéreux. Au point d’avancer que l’Etat pourrait même le financer sans aucune dépense publique. Quant au calendrier, rien de défini encore, mais déjà une estimation de deux à trois ans pour régler les problèmes juridiques et administratifs : études d’incidence, études d’impact et enquête publique.

Central Park, New York
Cantral Park, le vrai

6 Commentaires

  1. Selon l’architecte, ce projet créerait 100 à 150 mille emplois (soit trois fois plus que d’habitude): ce qu’on appelle le chantage à l’emploi. Puis, il rapporterait 3.5 milliards à l’état, soit le chantage économique.

    Mais ne soyons pas dupe: pour défendre ce projet, il le compare à Paris tout en excluant des espaces vertes parisiens les bois de Vincennes et de Boulogne mais en incluant pour la Courneuve, sa cimetière, ses parkings et sa station d’épuration des eaux usées (l’année dernière encore une vraie décharge à ciel ouvert!). Pas étonnant qu’il y a « trop » d’espaces vert dans le 93° par rapport à Paris quand on commence par mentir sur les vraies comparaisons. Pour Parisz, on prend le quart de la surface réelle, et pour le 93% on l’augmente en y incluant cimetières, décharges et parking. Voilà, ça c’est du socialisme courageux !!!

    Et puis pour le projet immobilier: le terrain est gratuit, le cadre vert est fourni par les impôts des contribuables du département mais les plus-values c’est une aubaine à saisir pour les promoteurs: Ils construisent à 3000 € le m² mais le vendent à 5000 €, cadre vert et plus-value du m² justifiant les 2000 € de différence!

    Mais pourquoi ne pas construire dans le Bois de Boulogne? Ce bois à lui tout seul est aussi grand que le Parc de la Courneuve et ne sert qu’à Roland Garros et les putes (ok, dac, deux passe-temps très importants pour le bobo parisien). Ou le Bois de Vincennes ? Ou s’il faut vraiment construire dans la banlieue, pourquoi pas sur les friches industrielles libérées, comme par exemple PSA à Aulnay? Là, la réponse brille par son absence et pour cause: Dans le Parc de la Courneuve on peut s’approprier le terrain pour trois fois rien (c’est à dire, le VOLER des pauvres), mais la friche industrielle se paie monnaie trébuchante.

    Enfin, ce Marc Rosenblat, ce promoteur, un petit copain de la femme de M Valls? Lisez son CV sur Google et vous verrez comment ce gars a su créer chaque fois à partir de trois fois rien un truc qu’il a ensuite vendu pour trois fois beaucoup à ses copains de l’état socialiste. Il nous refait son coup, il invente des châteaux en Espagne, il magouille, il truque les chiffres (ça « rapporte » à l’état, tout en oubliant que ça coûte aux habitants du département)), il fait du chantage (ça « crée 5 emplois par logement » — soit trois fois plus d’emplois que d’habitude) etc. Mais il faut le comprendre: Il y a pour ce gars un jackpot d’un milliard d’euros à ramasser donc il est normal qu’il embellisse un peu –un peu beaucoup, même énormément beaucoup– son rapport préliminaire.

    Non, je pense que pour une fois, il ne faut pas chanter la Marseillaise avec ses « aux armes citoyens! » mais qu’il faut la prendre à la lettre. Donc aux ARMES citoyens. Défendons-nous par tous les moyens. AUX ARMES CITOYENS!

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