Mis à jour le mercredi 13 juillet 2022 by Olivier Delahaye
Le Grand Paris Express provoque un monceau de déblais. Mais voilà qu’il sert aussi dorénavant à construire des écoles. La preuve à Villepreux.
EN IMAGES. À la rentrée 2021, les enfants de Villepreux (Yvelines) ont pu intégrer l’école Thomas Pesquet, du nom du célèbre spationaute français. Elle est le premier édifice francilien intégrant des matériaux issus de la réutilisation des déblais du Grand Paris Express. Elle est aussi pilote en termes de proposition pédagogique.
Une école pour Villepreux
À 9 km à l’ouest de Versailles, Villepreux est une commune de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle a, en conséquence, connu un développement ahurissant dans les années 1960-70. D’un village de 850 âmes en 1955, la voilà devenue une ville de 8 500 habitants quinze ans plus tard. Aujourd’hui, Villepreux compte 11 000 habitants. Cette croissance, elle la doit à l’émergence de quartiers sortis de terre : la Haie-Bergerie, le Val Joyeux, la Pointe-à-l’Ange, et le dernier en date, les Hauts-du-Moulin : 410 logements livrés entre juin 2019 et mars 2020. Un nouveau quartier qui a forcément besoin d’équipements publics : un gymnase, certes, mais surtout une école. Les 0-14 ans représentent 22 % de la population à Villepreux (13,6 % à Paris).
Une école en terre cuite
En octobre 2016, la Société du Grand Paris (SGP) lance un appel à projets afin de trouver des solutions innovantes à la valorisation des déblais issus du chantier du Grand Paris Express. L’une des pistes les plus couramment citées est de faire appel à l’économie circulaire en réutilisant les déblais pour la fabrication de matériaux de construction. Parmi les lauréats de l’appel à projets, l’agence d’architecture Joly&Loiret met au point, en collaboration avec ECT, la briqueterie Dewulf et l’agence d’ingénierie amàco, la fabrication de plus de 30 000 briques de terre crue extrudée (BTE) qu’elle teste sur le projet en développement de l’école de Villepreux. Finalement, l’école comptabilisera environ 500 m2 de murs dans diverses techniques de terre crue issus des déblais réutilisés.
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Une école à « dimension sensible »
Les déblais du Grand Paris Express ont servi à fabriquer des briques, mais aussi les torchis et les enduits utilisés partout où cela était possible. Seule la structure a nécessité du béton. Pour le reste, les architectes se sont donné pour mot d’ordre de faire appel le plus possible à des matériaux naturels. Ainsi le zinc, le parquet, les menuiseries en bois… Ce parti-pris correspond évidemment aux enjeux environnementaux, à la nécessité de construire en réduisant au maximum l’empreinte carbone du bâtiment, mais pas seulement. Les deux architectes, Paul-Emmanuel Loiret et Serge Joly, y voient aussi une « dimension sensible », l’idée qu’être au contact de matériaux naturels véhicule un autre rapport au monde. Ainsi, la sobriété née de ces choix rejoindrait « une forme de respect de l’enfant », selon Serge Joly.
Une école centrale
Une école, c’est aussi une centralité urbaine. Mieux, selon Serge Joly : « Dans ces villes naissantes l’école est l’occasion d’une forme de dynamique urbaine, c’est un rythme dans la journée, la potentialité de faire naître un morceau d’espace social. » Le bâtiment de Villepreux a donc été conçu en miroir de l’espace public. Grâce à la géométrie que dessine sa façade courbée, il permet de dégager un espace occupé par une place, d’offrir une liaison urbaine généreuse et de mettre à distance les immeubles de logement environnants. « Le caractère public, accessible et ouvert du groupe scolaire est ainsi affirmé dans un quartier à dominante résidentielle et en déficit d’espaces collectifs », expliquent les architectes.
Une école côté cour, côté jardin
Le caractère public et ouvert du bâtiment est certes fondamental, mais une école doit aussi protéger ses enfants pour qu’ils puissent s’épanouir. C’est pourquoi les volumes bâtis sont implantés en pourtour du site, libérant ainsi une grande cour centrale à l’abri de la vue, du vent, du bruit. Au centre de la cour, un grand espace végétal divise les deux groupes scolaires, car en fait d’école nous voici plutôt avec deux : une école maternelle et une école élémentaire. Cet espace végétal sert de bassin de rétention en cas de fortes pluies, mais surtout de jardin pédagogique. Il fait d’ailleurs écho à la toiture végétalisée du bâtiment.
Une école cocon et panoramique
Le bâtiment de Joly&Loiret possède aussi la particularité d’être bas. Organisé sur deux niveaux seulement, il limite ainsi les déplacements des enfants entre les étages. En disposant des programmes partagés au centre de l’édifice, les architectes ont aussi cherché à faciliter l’articulation entre le maternel et l’élémentaire. On trouve ainsi au rez-de-chaussée l’ensemble de la maternelle, sa restauration et ses salles de classe, une partie de la primaire ainsi que les salles administratives. L’étage est principalement occupé par les classes élémentaires ainsi que par des locaux mutualisés (bibliothèque…). Il est caractérisé par sa lumière naturelle, grâce à une surface largement vitrée qui permet d’ouvrir sur la plaine de Versailles. Les architectes expliquent cela encore mieux : « Si les espaces réservés aux enfants de la maternelle sont tournés sur le cocon du jardin intérieur, les espaces occupés par les enfants de l’élémentaire ouvrent quant à eux sur le grand paysage via la grande baie panoramique dans l’idée d’apprendre à regarder, à écouter et à comprendre son territoire. »
Une école pilote
Côté maternelle, le système de classes prévoit une modularité des espaces. Loiret&Joly se sont, pour cela, inspirés des travaux de la pédagogue Céline Alvarez dont les travaux suggèrent un mélange des âges et le développement de l’autonomie dans les apprentissages. Ils ont ainsi mis au point des cloisons mobiles et acoustiques pour permettre différentes configurations : soit un usage conventionnel avec des espaces d’apprentissage de 60 m2 ; soit un usage variable qui offre des approches pédagogiques différentes. La configuration la plus ouverte permet notamment de fusionner deux classes pour favoriser les échanges et le tutorat spontané entre enfants.
Fiche
Situation : Quartier des « Hauts-du-Moulin », à Villepreux (78)
Maîtrise d’ouvrage : Ville de Villepreux
Architecte : Cabinet Loiret&Joly
Surface : 3 606 m2
Budget : 7,3 millions d’euros
Livraison : 2021