Mis à jour le dimanche 13 mars 2022 by Olivier Delahaye
Le syndicat mixte Paris Métropole, l’APUR et l’IAU IdF publient conjointement une étude qui fait le point sur les regroupements informels de collectivités en Île-de-France.
Dans le cadre de la Mission de préfiguration du Grand Paris, Paris Métropole a créé plusieurs groupes de travail : Finances, Transition énergétique, Projet métropolitain et Périmètres. Ce dernier a pour mission d’œuvrer « à la formulation de propositions pour une articulation optimale entre la Métropole du Grand Paris ou ses territoires, et les territoires de grande couronne, afin d’éviter l’instauration d’un « effet-frontière » suite aux réformes institutionnelles. » Il s’est ainsi penché avec intérêt sur ces formes d’intercommunalités nées au 19ème siècle, tombées en désuétude, puis revalorisées depuis une dizaine d’années. Car ces « coopérations souples de projet » pourraient bien devenir la clef d’une articulation réussie entre la Métropole et la grande couronne.
Apprentissage collectif
Les auteurs ont d’abord cherché à les définir. De quoi s’agit-il ? De regroupements d’échelle intermédiaire (entre 250 000 et 650 000 habitants), faiblement institutionnalisées et créées, non pour mutualiser, mais pour porter en commun des réflexions, des projets d’aménagement et/ou de territoire. L’étude en a recensé une quinzaine au sein de l’unité urbaine de Paris, portant son attention sur neuf d’entre elles :
- L’Association des communes et communautés du Grand Orly,
- L’Association des collectivités du Grand Roissy,
- L’Alliance de l’Ourcq en mouvement,
- L’Agence d’urbanisme et de développement Essone-Seine-Orge,
- L’Association seine Amont Développement,
- L’Association de la Vallée Scientifique de la Bièvre,
- L’Entente du Nord Métropolitain,
- Le Syndicat Mixte d’études et de projets de l’Est Parisien (ACTEP),
- L’Entente Quadrant Sud Est.
Côté « plus-values », l’étude note un véritable effet pour les acteurs de ces territoires sur l’apprentissage collectif : « la prise en compte de problématiques à traiter de manière globale et à très large échelle, permettent d’établir un diagnostic et de construire une vision commune du territoire », et : « les services des différentes collectivités ou EPCI membres créent des habitudes de travail en commun, favorables à des collaborations ultérieures sur des sujets divers. » Autrement dit, les élus apprennent à se connaître, à échanger, et leurs services techniques créent du réseau.
Ce faisant, ces « Ententes », « Alliances » ou « Associations » peuvent faire du lobbying et peser sur certaines décisions, notamment sur des projets de transport. Ainsi, la Tangentielle Nord a été poussée par l’Entente du Nord Métropolitain, et l’Association des collectivités du Grand Roissy a fortement soutenu une desserte de Roissy de la ligne 15 du Grand Paris Express.
Légitimité… ou pas
Au-delà, ces coopérations favorisent l’identité territoriale, s’offrant en même temps « une légitimité dans le système métropolitain ». Des territoires méconnus émergent, obtiennent reconnaissance, comme en témoigne Jean-Marc Nicolle, de l’Association de la Vallée Scientifique de la Bièvre : « On a Saclay d’un côté, Seine Amont de l’autre. La démarche des élus était de faire exister le territoire de la Vallée Scientifique de la Bièvre autour d’une unité pour ne pas se retrouver enclavés entre deux territoires forts […] On ne voulait pas être le parent pauvre du développement mais au contraire valoriser ce territoire et montrer qu’il s’y passe quelque chose. » Enfin, l’action que mènent ces regroupements peut aller jusqu’à infuser les politiques des collectivités, y compris de celles qui n’en font pas partie.
Côté face, les membres des coopérations interrogés pointent du doigt certains manques et limites. D’abord, revers de la médaille, ces structures informelles n’ont évidemment pas la légitimité de leurs consoeurs institutionnalisées. Leur périmètre peut avoir aussi un côté flou qui ne facilite pas cette légitimité. D’une part, parce qu’il aussi facile de quitter une coopération que d’y adhérer, d’autre part parce que les périmètres de projet peuvent être très différents du périmètre d’adhésion. Leur mode de décision, à l’unanimité, possède un caractère bloquant. Leur portage opérationnel des projets reste aussi limité ; bien souvent leur rôle tient à impulser plus qu’à ne réaliser. Enfin, leur lisibilité démocratique est défaillante. Jean-Pierre Spilbauer, de l’ACTEP, note ainsi : « Aujourd’hui, l’ACTEP en tant que nom est totalement inconnue de 99% des habitants et est connue à 99% des institutions. »
La pièce interstitielle
Outre le devenir des coopérations existantes, l’étude s’interroge en conclusion sur l’outil qu’elles représentent – un outil souple, adaptable, éphémère et réactif – et son apport au futur contexte régional. Si le paysage institutionnel francilien va prochainement se caler sur un achèvement de la carte intercommunale en grande couronne et la naissance de territoires métropolitains, « il est probable, disent les auteurs, que le nouveau découpage territorial ne réponde qu’imparfaitement à la géographie des enjeux et à celle des projets », l’outil coopératif devenant dès lors la pièce « interstitielle » manquante. Celle qui pourra porter des projets à l’articulation des territoires : entre Métropole du Grand Paris et grande couronne, mais aussi entre les territoires eux-mêmes, qu’il s’agisse de ceux de la Métropole ou ceux de la grande couronne. La rigidité de ces institutions serait alors compensée par la forme plus libre des coopérations qu’il s’agirait de promouvoir. Leur rôle étant vu comme double : co-construire des projets spécifiques à cheval sur plusieurs collectivités ; éviter la fracture entre Métropole et grande couronne.