Mis à jour le samedi 18 février 2023 by Olivier Delahaye
À lire différentes études, dont le bilan très complet de la DRIEA, les aménagements cyclables temporaires ont concouru à mieux mailler le cœur de la métropole parisienne. Et doivent dorénavant contribuer à créer un véritable réseau de pistes.
À ce jour, l’Observatoire des coronapistes établit le linéaire de pistes cyclables temporaires effectivement réalisées à 174,13 km. Dont seuls, pour l’instant, 1,24 km ont été officiellement pérennisés. Dans son bilan établi en décembre 2020, la Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement (DRIEA) d’Île-de-France avait comptabilisé 140 km de pistes temporaires aménagées en quatre mois, entre mai et septembre 2020. Plus d’un tiers de ces pistes avaient même déjà été réalisées au bout d’une dizaine de jours.
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Pas de 2e vague
Une véritable dynamique d’aménagement avait donc été impulsée à la sortie du confinement du printemps 2020, dynamique qui s’est ensuite essoufflée. Dans sa dernière étude sur le suivi de ces aménagements, le Club des villes et territoires cyclables note d’ailleurs qu’au plan national « il n’y a pas eu de 2e vague d’aménagement de transition. En revanche, la dynamique en faveur des modes actifs se prolonge, avec 87 % des collectivités qui prévoient de pérenniser voire d’étendre leurs aménagements provisoires. » Tout compte fait, la crise sanitaire a plus révélé la nécessité de mettre en place des politiques locales en faveur du vélo qu’elle n’a eu d’effet sur la création massive de pistes. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les 140 km comptabilisés par la DRIEA à la progression du linéaire francilien entre 2012 et 2018. Pour s’établir à 5 835 km en 2018, celui-ci avait progressé de 0,5 % par mois pendant 6 ans. Or, ces 140 km de nouvelles pistes représentent eux aussi une progression de 0,5 % par mois.
Maillage et « vélotaf »
Créer des pistes cyclables à volonté n’est toutefois pas l’enjeu. Outre le potentiel immédiat offert par l’urbanisme transitoire, on s’aperçoit, à y regarder de plus près, que c’est surtout en termes de maillage que les coronapistes ont eu un réel impact. La carte interactive de l’Observatoire des coronapistes (ci-dessus) le montre très bien. Ici et là, des bouts de pistes ont émergé pour relier des pistes existantes et remédier à des discontinuités dénoncées depuis longtemps par la communauté cycliste. Autre constatation : ces aménagements transitoires ont majoritairement été fabriqués dans le cœur de la métropole et plus encore pour relier des pôles économiques. L’on se souvient que la grande peur du déconfinement avait été un recours massif des Franciliens à l’automobile alors que les transports en commun étaient délaissés par crainte de promiscuité. Le « vélotaf » a ainsi été privilégié. Et certains aménagements cyclables ont été particulièrement marquants, tels que la liaison Paris-La Défense via le pont de Neuilly, aujourd’hui empruntée quotidiennement par 5 000 cyclistes, ou l’anneau bidirectionnel mis en place porte de Saint-Cloud.
La grande couronne à part
En revanche, les pistes temporaires se sont très peu développées en grande couronne. La Seine-et-Marne n’en a réalisé aucune. Les Yvelines en ont installé 5,6 km pour en supprimer 3,4 km ensuite. L’Essonne a créé plus de 8 km de pistes essentiellement à Évry et le Val-d’Oise, 12 km concentrés sur Cergy. La DRIEA l’explique par le caractère extrêmement routier des voiries départementales ainsi que par des déplacements moyens plus longs qui réduisent la pertinence du vélo. Pourtant, ces dernières années, les départements de grande couronne se sont montrés très actifs en la matière avec une croissance +48 km/an, notamment en Seine-et-Marne et dans les Yvelines, mais la pratique du vélo s’y exprime davantage comme un loisir. Ce qui accrédite l’idée que les coronapistes ont été essentiellement perçues par les aménageurs locaux comme des outils de facilitation des déplacements domicile-travail.
Un succès qui invite à la pérennisation
Du côté des gestionnaires de la voirie comme du côté des usagers, les pistes temporaires représentent un véritable succès. En limitant la place accordée à la voiture sur certains axes routiers, les premiers pouvaient craindre une congestion automobile. Il n’en a rien été. Tant sur le réseau routier national où la longueur de congestions a été plus faible en septembre 2020 comparé à 2019 qu’à Paris où la congestion à la même période a diminué de 4 %. Quant aux usagers, deux enquêtes d’opinion révèlent leur satisfaction. Un sondage de l’IFOP réalisé pour le Réseau Action Climat au mois d’août 2020 indique que 62 % des habitants du Grand Paris souhaitent la pérennisation des coronapistes. Une autre étude de juillet 2020 menée par la Ville de Paris auprès des cyclistes donne 87 % de satisfaits. Succès donc. Qui incite les collectivités locales à vouloir pérenniser cet acquis. Avec quelques adaptations ici et là, ce devrait être le cas pour Paris et la petite couronne.
L’indispensable effet réseau
Et c’est tant mieux, car pour profiter à plein de la dynamique enclenchée, il faut que le maillage circonstancié offert par les coronapistes se transforme en véritable effet réseau. Et pour qu’effet réseau il y ait, il faut un pilotage global, une compréhension de la nature holistique de l’ensemble. Une suppression intempestive de piste dans un département ou une commune et c’est tout le maillage qui saute.
On peut le dire autrement : le potentiel est énorme. Alors que la part modale du vélo dans les déplacements franciliens était de 1,9 % en 2018, la DRIEA estimait, dans son hypothèse la plus pessimiste, qu’elle pourrait passer à 11 %. Mais pour cela, une condition au moins selon elle : « Pour qu’un déplacement motorisé soit transférable vers le vélo, il faut que l’ensemble des déplacements de la boucle sur laquelle il est situé le soit. » Autrement dit, un véritable maillage, un véritable réseau.
L’attente est donc grande en ce qui concerne le RER V voulu par le Collectif vélo Île-de-France : 650 km, 9 lignes, reprenant 45 % des aménagements existants. L’affaire semble entendue puisque la DRIEA elle-même se base sur les perspectives du RER V pour imaginer la suite : pérennisation des pistes provisoires lorsqu’elles préfigurent le RER V ; maintien de pistes provisoires sur des itinéraires clés en attendant une définition précise du tracé du RER V ; accélération de la réalisation de « branches » du RER V ; création de nouvelles pistes cyclables provisoires (qui permettent de tester des solutions pour mieux définir le futur RER V).