Mis à jour le lundi 28 mars 2022 by Olivier Delahaye
Choose Paris Region révèle les chiffres de son bilan mené avec Paris Europlace sur l’impact du Brexit pour le secteur financier francilien. Le constat semble clair : Paris va remplacer Londres comme capitale financière européenne.
Paris, terre d’accueil, terre d’immigration. Aujourd’hui surtout pour les cols blancs de la City de Londres. Les observateurs s’y attendaient et c’est en train de se produire. La finance mondiale quitte la capitale britannique et traverse la Manche ou la mer du Nord. Destination Paris ou Francfort, les deux autres places fortes financières européennes. Surtout Paris.
3 500 emplois directs
Directeur général de l’Association française de gestion, Dominique de Preneuf explique : « On est en train d’assister à deux mouvements concomitants : la relocalisation à Paris de sociétés qui s’étaient installées à Londres et l’implantation stricto sensu de nouvelles structures financières. » Choose Paris Region, l’agence de promotion de l’attractivité de la Région Île-de-France, en donne aujourd’hui les chiffres. Sur les 369 projets d’implantation, d’investissement ou de relocalisation d’équipes en lien avec le Brexit qu’elle a pu identifier, 184 ont d’ores et déjà pris leur décision de s’installer en Île-de-France, pour une perspective de près de 5 000 emplois. La finance représente 63 % de ces projets et 3 500 emplois directs. « Des emplois à haute valeur ajoutée », précise Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace. Qui pourraient donc avoir des répercussions sur l’emploi global dans le secteur.
Les exemples se multiplient avec JP Morgan Chase qui vient de reprendre un ancien immeuble de BNP Paribas dans le Quartier central des affaires de Paris (QCA) pour y installer 200 salariés, Bank of America qui s’est implantée dans le 8e, rue de la Boétie, avec un transfert de 400 personnes, ou encore Goldman Sachs qui a aussi choisi le QCA, cette fois avenue Marceau, pour son nouveau siège parisien.
Pourquoi Paris ?
Paris attire du fait de son emplacement géographique. Executive director de The Instant Group, entreprise spécialisée dans l’innovation en matière d’immobilier flexible, Steven Khoury le signale : « Les plus grands marchés sont à l’ouest de l’Europe. L’Ile-de-France dispose d’un positionnement géographique stratégique et d’un réseau de transports rapide et efficace avec d’autres régions emblématiques d’Europe, deux points essentiels pour nous. De plus, le marché francilien en termes d’immobilier tertiaire est le plus important de France. »
Avec le Brexit, Paris tend aussi à devenir la plus importante place financière globale en Europe, avec un spectre très large de services financiers qui gravitent autour des banques, assureurs et asset managers : cabinets d’audit, juridiques et fiscaux, cabinets de fusion acquisitions, métiers du titre, cabinets d’analyse financière, fintechs, sociétés de courtage, SSII, agences de notation, affacturage et recouvrement. Une polyvalence que révèle la diversité des implantations ou relocalisations en cours : 28 % de projets dans la gestion d’actifs, 25 % des projets et 59 % des emplois pour les banques, 14 % des projets pour les fintechs, 10 % des projets pour les assurances.
« La finance n’est pas notre ennemie »
Ce succès de la place financière parisienne revient de loin. Le 22 janvier 2012, lors d’un meeting au Bourget pour la campagne présidentielle, François Hollande déclarait : « Mon véritable adversaire, il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera jamais élu et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. » Déclaration qui fut ensuite transformée par « Mon ennemie c’est la finance. »
Avec le Brexit, tout change. Car si la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est un désastre pour beaucoup, il devient une opportunité pour d’autres. Ainsi, le 6 juillet 2016, deux semaines après le référendum britannique, le Premier ministre Manuel Valls annonçait plusieurs mesures fiscales pour attirer les résidents de la City londonienne à Paris : une modification du régime des impatriés permettant aux salariés venus de l’étranger de bénéficier de réductions fiscales durant huit ans au lieu de cinq ans ; une prime d’impatriation exonérée de taxe sur les salaires ; un taux d’impôt sur les sociétés (IS) progressivement abaissé de 33 % à 28 %. Des réformes fiscales qui seront poursuivies avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron : suppression de l’ISF, mise en place de la flat tax, nouvel abaissement de l’IS jusqu’à 25 % pour le 1erjanvier 2022. De là à dire que le Brexit a modifié la politique fiscale française…
Dans le même temps, un guichet unique est créé, destiné aux entreprises étrangères qui envisagent de s’installer en région parisienne : Choose Paris Region réunit les compétences de Paris & Co, de la Métropole du Grand Paris, de la CCI Paris-Ile-de-France, de Paris Région Entreprises et de Business France. Une véritable « task force » que résume Franck Margain, président de Choose Paris Region : « La grande nouveauté pour la France et l’Île-de-France, c’est le travail en commun. Nous avons été capables de chasser en meute. Pour les politiques aujourd’hui, “la finance n’est pas notre ennemie“. »
Un nouveau leadership
Enfin, ajoutons à cela le développement de l’investissement socialement responsable (ISR) sur lequel la finance française a pris le leadership mondial grâce, notamment, à la mise en place d’un label public. Ou encore la mobilisation des grandes entreprises publiques et des grandes banques en faveur des obligations vertes (green bonds) qui ont en peu de temps fait de la France le premier émetteur de green bonds dans le monde avec 24 milliards d’euros d’obligations certifiées en 2020 (contre 18 milliards pour les États-Unis).
À compter du 1erjanvier 2021, les sociétés de gestion britanniques vont perdre leur passeport européen. Dès lors, le Brexit va devenir une réalité pour la City londonienne. Et le think tank britannique New Financial est catégorique : « La France sera de loin le plus important marché de capitaux de l’UE après le Brexit, avec une part d’activité totale d’environ 24 %, devant l’Allemagne, 20 %. Ce sera le plus grand marché de l’UE dans 16 des 28 secteurs que nous avons examinés, devant l’Allemagne avec huit secteurs. Ce basculement d’influence du Royaume-Uni vers la France et l’Allemagne entraînera certainement un changement d’approche et d’orientation de la politique et de la réglementation sur les marchés de capitaux de l’UE, après le Brexit. »