Mis à jour le jeudi 6 août 2020 by Olivier Delahaye
ANALYSE. En supprimant le Haut Conseil des Territoires de la loi sur les métropoles, la Haute Assemblée défend son pré carré, mais perd de vue les intérêts de ceux qu’elle est censée représenter : les collectivités locales.
Jeudi 19 décembre, les sénateurs adoptaient par 162 voix contre 152 la loi sur les métropoles votée le 12 décembre par l’Assemblée nationale, donnant ainsi le feu vert à la création de la Métropole du Grand Paris au 1er janvier 2016.
Tristesses locales
La veille, cependant, en commission mixte paritaire, les députés devaient lâcher du lest face à leurs confères de la Haute Assemblée en abandonnant le projet de création d’un Haut Conseil des Territoires. Projet qui figurait pourtant dans le programme électoral de François Holande de 2012, et considéré comme l’un des socles de l’Acte III de la décentralisation. Le portail vie-publique.fr rappelle que ce Haut Conseil devait « assurer la concertation et le dialogue entre l’État et les collectivité territoriales. Institué au niveau national, il serait présidé par le Premier ministre ou par le ministre chargé des collectivités territoriales. Il serait doté d’un vice-président élu parmi les élus locaux. Il serait composé de parlementaires et d’élus locaux (présidents d’exécutifs locaux). Une formation permanente serait constituée en son sein. » Le Haut Conseil devenait ainsi l’interlocuteur de référence entre le gouvernement et la vie politique locale.
De toutes parts, les élus locaux s’alarment de la suppression de cette instance. La Fédération des villes moyennes (FVM) « regrette » ce choix. L’Association des communautés de France (ADCF) estime que la perspective de la suppression du cumul des mandats « rend inéluctable la création d’une instance pérenne et formalisée de coordination État-collectivités ». L’Association des petites villes de France (APVF) « déplore » la suppression du Haut Conseil des territoires, dont la création, rappelle-t-elle, était « soutenue par l’ensemble des associations d’élus ».
Un Sénat coupé de sa base
Le Sénat avait déjà retoqué la création de ce HCT lors de la deuxième lecture du projet de loi en octobre dernier. Il a donc eu le dernier mot, bien résumé par le sénateur UMP Louis Nègre : « Non à un Sénat-bis ». Dans l’ensemble, la Haute Assemblée y voyait en effet un impossible concurrent. Sur le principe, il n’a pas tort puisqu’en vertu de l’article 24 de la Constitution, il est le représentant des collectivités territoriales. Dans les faits, c’est autre chose. La semaine dernière, lors de la conférence de presse du syndicat d’études Paris Métropole, le maire UDI de Sceaux, Philippe Laurent, évoquait « des sénateurs beaucoup moins à l’écoute des élus locaux qu’il y a quelques années. » Le document que nous publions plus bas sur le cumul des mandats, réalisé par l’Observatoire de la vie politique et parlementaire, montre en effet que les élus locaux sont aujourd’hui bien plus nombreux à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. En ce qui concerne les communes, ce dernier est même loin derrière avec 125 maires contre 230 pour l’Assemblée.
La question de la représentativité locale dans un hémicycle qui doit en être le garant est d’ores et déjà posée. Elle va devenir brûlante avec la future loi sur le non cumul des mandats. Car, si l’on peut se réjouir avec Denys Pouillard des effets de cette loi, on peut aussi se demander de quelle manière va s’articuler à l’avenir la relation entre représentation nationale et représentation locale. Les trois phases de l’Acte III de la décentralisation associée à la loi sur le non cumul devraient former un tout cohérent dont le Haut Conseil des Territoires deviendrait cette rotule de coordination nécessaire pour éviter un décrochage entre l’État et les territoires. En s’appuyant sur sa légitimité, le Sénat a brisé cette rotule. Reste à inventer d’autres solutions. Suite au vote du Sénat, la ministre de la Réforme de l’État, Marylise Lebranchu, assurait qu’il existait « d’autres lieux de concertation, comme le Haut Conseil des normes. » La prochaine phase de la loi de décentralisation portant sur les Régions qui démarrera en avril 2014 pourra peut-être aussi sauver les meubles, comme le suggère Denys Pouillard.
