Mis à jour le samedi 6 juin 2020 by Olivier Delahaye
Demain, l’Arena92 et d’autres infrastructures sportives comme le Grand Stade de rugby pourraient concurrencer le Stade de France. Ces projets sont-ils cohérents avec l’aménagement territorial et une saine gestion des deniers publics ?
Le 10 juillet 2016, le Stade de France (SDF) accueillera la finale de l’Euro. Et ensuite ? L’avenir s’annonce incertain. Après avoir largement rempli son rôle d’équipement structurant, le plus grand stade de l’Hexagone avec 81 338 places sera encore au cœur de la candidature de Paris pour les JO de 2024. Pour cet équipement, cela pourrait être une aubaine pour se réinventer. Certes, il n’est pas obsolète, mais sa conception diffère des nouveaux stades conçus comme de véritables destinations. Il ne compte aucune zone commerciale, aucun hôtel ni espace de loisirs intégrés et, faute de foncier, il pourra difficilement s’en doter.
Stade de France : des recettes appelées à diminuer
À ce jour, il a toujours été bénéficiaire grâce aux généreuses subventions de l’État. Depuis sa création, celui-ci a versé au Consortium qui le gère 198 M€ au titre de l’indemnité pour absence de club résident, n’encaissant qu’une redevance de 83 M€. En 2013, le gouvernement a renégocié cette indemnité signée par le gouvernement Balladur qui représentait environ 6% du budget du ministère des Sports (237 M€) : soit un manque à gagner de 16 M€ par an pour les quatre prochaines années. S’y’ajoute le nouveau contrat le liant à la Fédération Française de Rugby. Signé aussi en 2013, celui-ci permet à la FFR d’économiser 1,7 M€ par match. En clair, la FFR ne verse plus qu’1,1 M€ par match contre 2,8 précédemment. Courant jusqu’en 2017, il est censé s’interrompre après cette date. L’État, propriétaire du Stade de France, sait donc qu’il faudra trouver un nouveau modèle économique. Car le SDF dont le chiffre d’affaires 2013 s’élevait à 69 M€ va rapidement se trouver en concurrence face à l’Arena92 pour certains concerts et peut-être, demain, au nouveau stade de la FFR.
Le stade de la FFR : un éléphant blanc ?
En juin 2015, la FFR a bien dû le reconnaître : plus le dossier avance et plus l’ouverture de son stade recule. Prévue pour 2017, date où expire son contrat avec le Stade de France, elle est aujourd’hui prévue pour 2021. Pour justifier ce retard, la Fédération invoque principalement l’incertitude sur le tram-train Massy-TGV-Grand Stade qui n’arriverait pas avant 2020. De fait, le tour de table est loin d’être assuré tellement ce projet soulève de questions, tant sur son financement que sa localisation. Loin de Paris, sans gare du Grand Paris Express à proximité, ce projet ne bénéficie pas d’une desserte optimale, loin de là. De plus, si la FFR rêve d’un grand stade comme le Millenium de Cardiff, son projet s’avère pharaonique par son coût : plus de 650 M€. Quand on connaît les dérives budgétaires de ce type de chantier, on est en droit de s’interroger.

Car les tourneurs ont déjà fait connaître leurs doutes quant à la possibilité pour le public de rentrer chez lui avant la fermeture des transports publics. Rappelons que l’hippodrome de Ris-Orangis qui occupait ce terrain a dû cesser son activité après 25 ans d’exploitation, faute de public. Or, le business plan de la FFR table sur dix-sept à vingt événements par an. Certes, elle peut compter sur 5 à 6 matches du XV de France et sur la finale du TOP 14, mais cela ne suffit pas, loin de là. Bien sûr, ses promoteurs parient sur son toit pour gagner des spectacles. Mais Philippe Auroy, ancien directeur général délégué du Stade de France, déclarait déjà en 2012, dans La Tribune : « S’il faut offrir la gratuité du Stade de France aux grands tourneurs pour les empêcher d’aller ailleurs, je le ferai. ».
Mais au fait, combien de spectacles se sont déroulés en 2015 à Saint-Denis ? Quatre ! Ce troisième stade qui se rêve le plus grand de France peinerait donc à exister face au SDF même avec des JO et une Coupe du monde de rugby. Alors, l’État sera-t-il assez fou pour investir lourdement dans les infrastructures de cette arène qui cannibaliserait son Stade de France ?
Arena92, un projet privé au cœur du Grand Paris
Située sur le territoire de la Défense, cette salle conçue par Christian de Portzamparc devrait séduire le public et les tourneurs. Devant ouvrir en décembre 2016 au cœur d’un des « hubs » du Grand Paris Express, ce complexe modulable de 94 000 m² hébergera un club résident, le Racing métro 92, avec vingt matches par an. Pouvant s’adapter en mode spectacle ou sport en 24 h, il accueillera entre 6 000 et 40 000 spectateurs, soit l’une des plus importantes capacités « indoor » d’Europe. Au milieu d’un important bassin de population et d’emplois, ce projet privé s’appuie sur la réalisation de 31 000 m² de bureaux qui seront occupés par le Conseil Départemental des Hauts-de-Seine, des commerces, une brasserie et un restaurant gastronomique. Capable de concurrencer le Stade de France, il sera aussi en compétition avec le Parc omnisports de Bercy qui passera après sa rénovation de 17 000 à 21 000 places. Pour les tourneurs qui jugent Bercy très cher, cette offre sera la bienvenue car ils pourront faire jouer la concurrence.
Et encore d’autres projets…
« Nous allons voir si le secteur privé accepte de participer à la construction et à la gestion de ce Dôme » affirmait il y a peu François Pupponi, député-maire de Sarcelles (93). Et bien il a la réponse : comme pour le circuit de F1 qu’il voulait créer, son Dôme Arena de 12 000 places n’a pas séduit. Les investisseurs ont estimé que ce projet à 141 M€ n’était pas viable.
De son côté, François Asensi, député-maire de Tremblay-en-France (93), peut se réjouir. Son projet de Colisée, arène de 8 000 à 12 000 places d’environ 170 M€, a encore une chance de faire l’objet d’un PPP avec Bouygues, Eiffage et Vinci qui ont répondu à l’appel public à concurrence. Mais rien n’est sûr. D’une part, si Europacity se concrétise à Gonesse (95), le projet prévoit déjà une salle de spectacles de 2 000 places à moins de vingt minutes de Tremblay. D’autre part, un autre projet pourrait se préciser dans le cadre de la candidature de Paris aux JO : la rénovation de la Halle Carpentier dans le 13e arrondissement de Paris. Rappelons qu’aujourd’hui les cabinets de conseil estiment que, pour survivre, une Arena doit organiser au moins cent vingt événements par an. Si l’Arena 02 de Londres tourne autour de deux cents, Bercy y arrive tout juste…

Pourquoi ne pas mutualiser une salle ?
Cette proposition vient de l’Institut régional de développement du sport (IRDS). Elle part du principe que l’Île-de-France compte quelques clubs de haut niveau en basket, handball et dans une moindre mesure en volley-ball. Si leur salles sont adaptées au quotidien du championnat, elles sont sous dimensionnées en cas de rencontres importantes. Pour ces matchs occasionnels, et aléatoires car ils dépendent chaque années des résultats sportifs, pourquoi ne pas mutualiser ? « En l’état actuel, stipule ce rapport de 2012, une jauge modulable comprise entre 3 500 et 7 000 places apparaît suffisante pour la plupart des équipes franciliennes. » Pour Claire Peuvergne, directrice de l’IRDS, la Halle Carpentier, salle polyvalente de 4 800 places, pourrait devenir cet espace partagé.
Le Grand Paris mettra-t-il fin au gaspillage ?
Si Londres abrite deux stades réservés aux matchs des équipes nationales de football (Wembley Stadium) et de rugby (Twickenham) ainsi que sept clubs jouant en Première League avec leurs terrains afférents, la situation des deux villes n’est en rien comparable. Créteil, qui joue en Ligue 2 de football, n’attire que 2 000 spectateurs en moyenne et le Parc des Princes ne fait pas toujours le plein, même avec les stars du PSG. Avec le stade Jean Bouin et Charléty, la région francilienne compte déjà quatre stades de plus de 20 000 places. Or, aucun grand stade francilien ne peut vivre sans club résident et sans spectacles.
Mais là aussi Paris n’est pas Londres. Rappelons qu’en 2012 Bercy avait vendu un peu moins de 600 000 billets alors que l’O2 de Londres en écoulait près d’1,8 million… L’idée de remplir une salle avec des manifestations peut donc s’avérer plus délicate à l’usage que sur des projets en 3D. Le vélodrome de SQY peine ainsi à remplir son équipement d’un coût de 74 M€. Pourtant, des fédérations lancent encore des appels d’offres qui mettent les territoires en concurrence comme cela a été le cas pour Roland Garros. Or ces projets, et particulièrement les partenariats public-privé, peuvent mettre à mal les finances des collectivités locales.
Il est donc temps que la gestion et la localisation de ces équipements soit décidée au niveau métropolitain pour qu’ils soient conformes à l’intérêt général d’un développement équilibré. Au 1er janvier 2016, la nouvelle Métropole du Grand Paris disposera des compétences sur « la construction, l’aménagement, l’entretien et le fonctionnement de grands équipements culturels et sportifs de dimension internationale et nationale. » Reste a savoir ce que voudra dire vraiment « dimension internationale et nationale » pour ces nouvelles arènes du sport.
tres bon article sur un sujet majeur dans le cadre de la candidature de Paris aux JO de 2024 et de la nėcessitė d.organiser la dépense publique ã l’échelle du grand Paris dans l’intérêt de tous , etat, région, collectivités, fédérations et du public…