Mis à jour le dimanche 19 février 2023 by Olivier Delahaye
Entretien avec Laurent Chalard au sujet de la création de la Métropole du Grand Paris.

POINT DE VUE. Laurent Chalard est géographe-consultant à l’European Centre for International Affairs. Il a, à plusieurs reprises, défendu des positions provocatrices ou critiques sur le Grand Paris.
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Que vous inspire la création ainsi faite de la Métropole du Grand Paris ?
Comme bien souvent dans ce type de réforme, on est face à la situation du verre à moitié vide ou à moitié plein. Suivant du côté où on se place, on pourra dire que cette Métropole va tout changer ou pas du tout.
Mais pour se faire une idée, il faut revenir au constat de départ. Quel était-il ? Que Paris était retardataire à l’échelle internationale concernant sa gouvernance métropolitaine, avec une fragmentation communale assez considérable. Définie par l’Insee, l’agglomération ne compte pas moins de 412 communes. Gérer une métropole à plus de 400 communes qui possèdent chacune le pouvoir d’urbanisme c’est extrêmement compliqué. Cela a même accentué la ségrégation spatiale, chaque commune s’organisant selon sa couleur politique. Si l’on remonte aux trente glorieuses, un accord tacite s’est mis en place entre villes communistes et villes de droite, les premières construisant du logement social pour préserver un électorat populaire, les autres n’y contribuant pas pour sauvegarder leur profil social aisé.
Face à ce constat, la création de la Métropole du Grand Paris est plutôt une bonne chose. Même si son démarrage est assez insatisfaisant, pour la première fois, on va enfin réfléchir à une autre échelle.
Que peut-on en attendre ?
Sans doute pas des miracles, dès lors qu’il n’existe pas de volonté politique d’en faire un gouvernement métropolitain fort, mais plutôt un organisme qui donnera de grandes orientations sur l’aménagement du territoire.
Un certain nombre de points sont aussi loin d’être résolus concernant le périmètre et le fonctionnement de l’institution. Qu’on évoque juste le périmètre pour se rendre compte que le choix d’établir une gouvernance autour de la petite couronne risque de créer une métropole à deux vitesses, puisque le périmètre de la Métropole du Grand Paris sera inférieur à celui de la métropole réelle qui englobe de nombreux territoires de grande couronne.
Par ailleurs, si l’on observe ce qui a pu se passer dans d’autres pays on constate parfois des échecs cuisants qui ont abouti à la suppression pure et simple de l’entité métropolitaine. Tout cela nous incite donc à la prudence. Sans recul sur cette nouvelle Métropole, on peut tout au moins tenter de distinguer les écueils qu’elle devra surmonter. J’en vois au moins deux. Le premier est le risque de la coquille vide. Soit une institution bureaucratique assez lourde exerçant des compétences a minima, sans pouvoir exécutif autre que le traitement de certaines questions consensuelles comme la lutte contre la pollution ou la prévention des inondations. À l’arrivée, la Métropole coûterait plus cher au contribuable qu’elle ne lui bénéficierait.
Le second est le risque de conflit avec les autres collectivités territoriales. Ce risque possède trois dimensions. Premièrement – et on le retrouve dans d’autres pays – un conflit entre Métropole et ville-centre. En l’occurrence, Paris intra-muros, de par son poids économique et démographique, écrase les autres territoires. Il y a de fortes présomptions pour que la capitale ne joue pas le jeu et tente de limiter les pouvoirs décisionnels de la Métropole. Autre conflit : celui avec la Région qui demeure une entité bien plus large. On en a eu un exemple à Barcelone où le gouvernement métropolitain est vite entré en conflit avec la Catalogne. Enfin, conflit avec les communes membres. Certaines d’entre elles sont particulièrement attachées au pouvoir communal. On pense, par exemple, à celles dirigées par des élus du Front de Gauche. En tant que force politique, celui-ci se repose principalement sur les communes. Perdre du pouvoir pourrait remettre en cause son existence même.
La Métropole du Grand Paris aura donc de nombreux défis à relever.
Quelle est votre vision du Grand Paris ?
Elle est très personnelle, élaborée en tant que géographe et sans arrière-pensée politique. Je considère d’abord que l’autorité métropolitaine devrait recouvrir l’ensemble de l’unité urbaine telle qu’elle est définie par l’Insee, soit un territoire d’environ 10 M d’habitants. Cela lui permettrait d’intégrer tous les principaux équipements métropolitains, dont les deux aéroports internationaux.
Pour éviter le conflit avec la Région, j’aggrandirais l’Île-de-France de façon à l’étendre à l’ensemble de la zone d’influence de la capitale sur les déplacements domicile-travail. Cela supposerait d’intégrer des départements limitrophes tels que l’Oise, l’Eure-et-Loire, l’Eure et le nord du Loiret. Ainsi, comprenant de nombreux territoires ruraux et des villes satellites, la Région n’entrerait pas en concurrence avec la Métropole.
Pour éviter le conflit avec la ville-centre, je supprimerais tout simplement la municipalité de Paris
Enfin, je découperais la Métropole en nouvelles communes de 150 000 à 200 000 habitants. Au-delà, il est difficile de gérer les compétences communales. Et, pour conserver un lien local, je créerais des communautés de quartier de 10 000 à 20 000 habitants représentées par un élu.
Selon moi, l’un des obstacles majeurs au fonctionnement de la Métropole du Grand Paris est de pérenniser les communes dans leur périmètre existant. Quand vous avez une ville comme Marnes-la-coquette qui compte moins de 2 000 habitants à côté de Boulogne-Billancourt qui en compte près de 120 000… difficile de pouvoir réfléchir de manière intelligente à partir de territoires dont les écarts en termes de démographie et de superficie sont aussi considérables.
