Mis à jour le jeudi 10 mars 2022 by Olivier Delahaye
VIDEO. Partant du constat que La Défense n’est plus en phase avec les nouveaux enjeux urbains, Groupama Immobilier a imaginé un concept résolvant toutes les difficultés du quartier d’affaires : un réseau aérien piétonnier reliant les tours.
La Défense souffre. Ses tours vieillissent trop vite. Leur destruction est aussi énergivore que leur gestion. Leur devenir interroge à l’heure du télétravail. Sa dalle est illisible pour les piétons. Ses cheminements ont été bâtis pour la voiture. La Défense est en train de prendre un gros coup de vieux. Ceux qui y investissent se posent des questions. Parmi eux, Groupama Immobilier, développeur de la tour The Link, futur siège de Total.
Le constat
À partir du logiciel Mytraffic, qui utilise des données de géolocalisation des applications mobiles, Groupama Immobilier a commencé par conduire une étude sur l’activité piétonne dans le quartier d’affaires de La Défense entre 2017 et 2019 et en a tiré trois grands enseignements.
1/ Le soir, tout le monde s’en va.
Entre 17 h et 19 h, aux horaires de fermeture des bureaux, il est constaté une « évaporation » des flux piétons. Autrement dit, les 180 000 salariés du quartier le quittent très vite. Et leur départ n’est guère compensé par les habitants. En cause : un manque de destinations récréatives, malgré la création récente de l’Arena.

2/ En journée, tout le monde reste là.
Les villes qui englobent ou bordent le quartier ne profitent pas de son effervescence. « Seuls 20 % des visiteurs de La Défense se rendent à Puteaux ou à Courbevoie dans un mois donné », note l’étude. Le boulevard circulaire ou la Seine tracent des frontières qui paraissent infranchissables et les accès piétons demeurent peu lisibles. Les auteurs de l’étude appellent même cela : l’effet « Citadelle ».
3/ Le week-end, tout le monde aux Quatre Temps.
La Défense attire des visiteurs le week-end (15 000 piétons par heure le samedi après-midi), mais ils s’agglutinent tous autour du centre commercial Les Quatre Temps et du CNIT. Un pôle d’attractivité qui n’irradie pas sur le reste du quartier essentiellement dévolu à l’activité tertiaire.
L’ambition
Ces constats se heurtent aux ambitions de l’établissement public Paris La Défense qui, depuis de nombreuses années, cherche à transformer le quartier d’affaires en une polarité urbaine qui en posséderait toutes les aménités. Avec le développement accéléré du télétravail, pèse dorénavant une lourde menace sur les millions de mètres carrés des tours. Transformer La Défense représente dorénavant une urgence si la dalle ne veut pas définitivement ressembler à ce qu’elle fut durant le confinement du printemps 2020 : un ensemble monumental désert.
Groupama Immobilier pense que le quartier doit résolument s’engager à devenir :
– un site touristique majeur en Île-de-France, porté par son architecture ;
– un centre de création artistique de plein air unique au monde ;
– un circuit sportif urbain ;
– un laboratoire des nouveaux modes de travail privilégiant notamment les travailleurs indépendants ;
– un territoire d’expérimentation de la ville bas-carbone.
Le concept
Pour réactiver La Défense, Groupama Immobilier pense avoir l’idée qui tue : s’extraire de la dalle. Et monter d’un cran. Créer un réseau de passerelles aériennes qui relieront les tours et en transformeront les usages. Le concept est baptisé le « Chemin ». Il s’inspire de la High Line de New York, du Skygarden de Séoul ou encore du futur Silk Road Corridor de Shenzen.

Avec son « Chemin », Groupama veut « réparer les méfaits de l’urbanisme de dalle » tout en s’appuyant sur son principe originel : un espace entièrement piétonnier. À la différence que le système consiste ici à considérer d’abord les bâtiments, à partir des tours pour créer des rues, des places, des circuits, des espaces végétalisés. En retour, ces nouvelles « entrées » modifieraient les usages des tours en leur adjoignant un double rôle : créer du service et des espaces récréatifs. On y trouverait des commerces, de la restauration, des activités sportives ou culturelles, des services aux entreprises et aux particuliers… Le réseau de passerelles servirait aussi à enjamber certaines discontinuités pour recoudre les liens entre La Défense et les communes qui la bordent pour en faire le centre d’une unité urbaine de 250 000 habitants. Enfin (et peut-être surtout), le « Chemin » permettrait de créer de nouvelles opportunités immobilières.
Le projet
Cette Défense du dessus, Groupama en a fait un projet partagé avec cinq architectes choisis pour proposer leurs solutions : Maud Caubet, ChartierDalix, Anne Démians, Enia Architectes et Christian de Portzamparc. Leurs travaux (à voir ici) ont été rendus publics fun juin. Dans les six mois à venir, Groupama veut approfondir le projet avec les décideurs publics, les citoyens et des acteurs privés « dans l’optique de fédérer autour du “Chemin“ et de faire advenir le projet ».