Mis à jour le mercredi 20 mai 2020 by Olivier Delahaye
Avec 1 552 établissements et plus de 80 000 chambres, le parc hôtelier parisien demeure extrêmement puissant. Mais pour éviter l’essoufflement, il doit se renouveler et profiter des opportunités du Grand Paris.

Le 30 novembre au SIMI, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) présentait sa cartographie interactive des implantations hôtelières au sein de la métropole du Grand Paris. Cette carte, visible ici, montre à la fois les hôtels existants, les projets d’ouverture et les sites disponibles. Elle croise également l’ensemble de ces implantations avec différentes données telles que les réseaux de transport en commun, les sites des différents appels à projets (Réinventer Paris, Inventons la Métropole…), les musées, les centres commerciaux, etc. Un outil extrêmement élaboré qui donne aussi à voir, pour les sites hôteliers disponibles, une fiche d’identité détaillée, l’enjeu étant de donner une vision la plus attractive possible pour les investisseurs et les porteurs de projets.
Saturation, concurrence, innovation
La cartographie de l’Apur s’inscrit dans une dynamique à l’œuvre depuis quelques années déjà de valorisation et d’expansion de l’hôtellerie francilienne. En 2008, la Ville de Paris lançait son plan hôtelier métropolitain sur une période de douze ans. Trois ans plus tard, c’était au tour de la Région de dégainer sa Stratégie régionale de développement du tourisme et des loisirs. Et avant la création de la Métropole du Grand Paris, le syndicat mixte Paris Métropole avait identifié qu’il fallait créer 12 000 nouvelles chambres d’hôtel d’ici 2020.
La Métropole en compte déjà 113 000. Mais cette offre hôtelière est en situation de saturation, avec un taux d’occupation frisant les 80%. Même si 2016 fut annus horribilis pour les professionnels du tourisme, les analystes prévoient une croissance du nombre de visiteurs dans les années à venir de l’ordre de 2% par an, soit entre 600 000 et 700 000. Paris, première destination touristique mondiale, fait aussi face à une concurrence de plus en plus vive des autres métropoles, notamment Londres dont le parc hôtelier est le premier au monde. Qui plus est, avec 40 000 logements disponibles sur Paris, Airbnb taille des croupières à l’industrie hôtelière. Si la Mairie de Paris a sévi pour éviter l’inflation et rassurer les hôteliers, la plateforme collaborative fait désormais partie du jeu. Enfin, le secteur hôtelier est en pleine révolution. De nouveaux concepts poussent un peu partout. Et Paris, qui se veut en pointe sur l’innovation, ne doit pas laisser passer ce train.
Une hôtellerie nouvelle génération
Sur ce plan-là, la capitale s’ouvre déjà. Depuis juin 2016, elle accueille quai d’Austerlitz son premier hôtel-bar flottant, OFF Paris Seine, financé en majorité par le groupe Novaxia qui s’est fait une spécialité dans la transformation de bureaux en hébergements. Novaxia porte par ailleurs un projet d’auberge hybride mêlant appartements et chambres d’hôtel, à Buzenval (XXe arrondissement), dans le cadre de l’appel à projets Réinventer Paris. L’hôtellerie nouvelle génération c’est aussi Motel One qui ouvrira un établissement Porte dorée à la fin de l’année 2017. Le concept : un luxe démocratisé, une ambiance lounge à 79 € la chambre. C’est encore Yotel qui a implanté ses 80 chambres à Roissy, au sein du Terminal 2E. C’est enfin Melon District, enseigne de résidence étudiante haut de gamme à Puteaux proposant chambres et studios sur des périodes flexibles.
Mais pour Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris en charge des projets du Grand Paris, il faut aller encore plus loin « en pensant l’hôtellerie de façon plus générale, comme ces concepts de studenthotel qui offrent du logement étudiant durant l’année universitaire et de l’hôtellerie touristique durant les vacances. L’économie fonctionne de plus en plus sur le mode projet avec des gens qui viennent de tous les pays du monde. L’hôtellerie doit chercher de nouveaux lieux et s’adapter à des activités de plus en plus diversifiées. » De nouveaux lieux, cela veut dire franchir la barrière du périphérique.

Chercher un foncier moins cher
Car dans un contexte de raréfaction du foncier, Paris ne peut à elle seule développer l’offre hôtelière indispensable. D’autant que la capitale fait face à un autre obstacle. Adjoint au tourisme à la Mairie de Paris, Jean-François Martins explique : « Nous avons fait une enquête auprès de 14 pays sur les freins à la visite à Paris. Et l’un de ces freins, c’est la perception sur le prix. Si Paris est le 2e parc hôtelier au monde, c’est aussi le 2e parc le plus cher. Être plus accessible à tous, cela implique de pouvoir être rentable avec un prix des chambres meilleur marché. Et donc de réaliser des opérations foncières moins onéreuses. » Et de franchir la barrière du périphérique…
Reste à convaincre les investisseurs et les exploitants, et c’est là tout l’enjeu de la cartographie réalisée par l’Apur qui tend à mettre en lumière des sites à fort potentiel de développement, comme le carrefour Pleyel dont la tour symbolique attend un programme hôtelier, et à repérer les territoires où le besoin d’hôtel se fait sentir. C’est aussi l’enjeu de l’appel à projets Inventons la Métropole pour lesquels « 60 sites sur les 61 retenus peuvent accueillir un projet hôtelier », indique le conseiller métropolitain Alexandre Vesperini. Mais il reste aussi à convaincre certains maires. « Il n’est pas évident pour un maire de banlieue de construire des hôtels pour des touristes qui iront visiter Paris et pas son territoire. C’est beaucoup moins rentable que des bureaux, nous explique Hélène Sallet-Lavorel, directrice du comité départemental du tourisme du Val de Marne. Cependant, les mentalités sont en train de changer et l’on se dit que la destination Paris, on en fait tous partie. »
Le vrai Paris, hors les murs
En 2017, la Métropole du Grand Paris doit à son tour déterminer un schéma hôtelier métropolitain. Gageons qu’il aura pour enjeu de développer une offre sur les trois départements de petite couronne qui ne concentrent que 30% de chambres sur les 113 000 que compte la métropole. Pour Jean-François Martins, « l’un des leviers de croissance se situe sans doute dans le nouveau réseau de transport du Grand Paris Express, mais aussi sur des pans entiers du tourisme que Paris n’a pas encore exploité. » Et d’en citer au moins trois : « Le tourisme de nature autour de la Seine, des canaux et des parcs ; le tourisme de mémoire ; et le tourisme urbain qui donne à visiter une ambiance, une authenticité. » En creux, on peut lire là comme un aveu : Paris-centre est devenu une telle vitrine que le vrai Paris se trouverait aujourd’hui hors les murs.
L’hôtellerie fait partie des secteurs d’activité qui exige des conditions particulières concernant l’immobilier d’entreprise. Mais je crois que Paris pourra relever le défi et être en mesure d’accueillir ces établissements nouvelle génération.