Le Grand Paris des cimetières reste à faire

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Mis à jour le mercredi 20 mai 2020 by Olivier Delahaye

DOCUMENT. À l’occasion de la Toussaint, l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) a publié un document synthétisant six études réalisées depuis 2010 sur les espaces funéraires du Grand Paris et délivrant plusieurs enseignements.

Le premier d’entre eux est lié à l’évolution de la mortalité. La synthèse de l’APUR note tout d’abord un vieillissement de la population modéré au sein de la métropole du Grand Paris, tout au moins plus modéré que dans le reste de l’Île-de-France : « L’arrivée à Paris de jeunes adultes, attirés par l’offre universitaire et l’offre d’emplois, les départs de familles et de retraités ont longtemps freiné le vieillissement et limité le nombre de décès de Parisiens. » Néanmoins, cette relative jeunesse de la population métropolitaine devrait se résorber à l’avenir avec le vieillissement généralisé de la population française. Sur Paris, l’Insee prévoit un gain d’espérance de vie de plus de 3 ans entre 2014 et 2040. Il en résulte que la population des Parisiens âgés de 60 ans ou plus passera de 412 000 en 2007 à 562 000 en 2040, soit une progression de +36%. En découlera une hausse progressive de la mortalité entre 2030 et 2040 (15 550 décès prévus à Paris en 2040 contre 14 000 sur la période 2006-2012) avec une pression accrue sur les cimetières de la métropole.

Le boom crématoire

Si les inhumations en cercueils restent majoritaires, la pratique crématoire est en très forte progression. « En 2013, 21 648 crémations ont été réalisées dans les crématoriums franciliens, soit une hausse de + 80 % depuis 2000. Le taux de crémation s’établissait à 15 % des décès en 2000 en Île-de-France, il est estimé à 32 % en 2015 et 47 % à Paris (40 % en 2007). En poursuivant ce rythme de progression, le taux de crémation atteindrait 38 % en 2020 et 48 % des décès en 2030 en Île-de-France », note l’APUR.

Soit une véritable révolution de la pratique funéraire que l’on peut expliquer de plusieurs manières. Tout d’abord, par le changement de comportement de l’Église catholique qui autorise la crémation depuis 1963 et Vatican II. Par une saturation des cimetières aussi dont la plupart n’accordent plus, d’ailleurs, de concession perpétuelle : « La Terre aux vivants » est la devise un peu abrupte de la Fédération française de crémation. Mais peut-être surtout par une évolution sociétale que résume François Michaud-Nérard, directeur des services funéraires de la Ville de Paris : « C’est souvent le défunt qui décide de son vivant d’être incinéré pour ne pas être une charge pour les survivants. C’est aussi le reflet d’une évolution de la perception de la mort et de la vieillesse : la crémation, c’est la solution hygiénique pour éviter un long processus naturel de décomposition d’un cadavre. »

Pour un schéma directeur des crématoriums

Cette extraordinaire évolution a impacté l’offre en matière de crématoriums. 9 d’entre eux ont été mis en service au cours des années 2000 pour atteindre le chiffre de 16 crématoriums en activité sur le territoire du Grand Paris. Mais le compte n’y est pas. « Avec 5 680 crémations en 2014 pour 5 fours, la capacité d’accueil du crématorium du Père-Lachaise est arrivée à saturation », note l’Apur. En mars 2016, un appel d’offres a donc été lancé pour un nouveau complexe funéraire dans Paris « comprenant un crématorium de 3 fours, avec une extension possible de 2 fours. »

Un nouveau crématorium est aussi prévu à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) ainsi qu’à Cormeilles-en-Parisis (Val d’Oise). Si Cormeilles n’est pas une commune de la Métropole du Grand Paris, l’aire d’influence de son crématorium dépasse largement les limites communales et impactera le crématorium des Joncherolles, à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) ou celui de Nanterre. C’est ce manque de vision d’ensemble qui a conduit à une proposition de loi votée en mai 2015 par le Sénat visant à la création de schémas régionaux de crématoriums. Cette absence de cohérence ayant, note l’Apur, « des impacts économiques pour les familles (coût de déplacement et de funérailles) et pour les équipements funéraires (viabilité de crématoriums trop rapprochés), mais aussi potentiellement sur la dignité des obsèques. »

Un levier de renforcement de la nature en ville

Autrefois éloignés des centres urbains, les cimetières du Grand Paris ont été rattrapés par son développement si bien qu’ils se retrouvent aujourd’hui au cœur de la métropole et parfois au sein de territoires en mutation. Le déclassement d’un cimetière étant un processus long et complexe, ils sont aussi pratiquement immuables, si bien qu’il paraît essentiel aujourd’hui de les intégrer dans le processus métropolitain et « de ne plus les considérer comme des espaces fonctionnels marqués du déni de la mort. » Plutôt qu’enclaves urbaines, ils peuvent même être vus comme un atout dans la végétalisation de la ville. Car, outre leur caractère mémoriel, ce sont aussi des lieux de promenades, le public souhaitant une amélioration de leur cadre paysager.

« Souvent proches de grands corridors écologiques (fleuve, routes, voies ferrées) et de grands espaces libres (bois, parcs, jardins, terrains de sport, friches…), ces lieux de calme, peu ou pas éclairés, peuvent participer aux migrations ou à la protection d’espèces faunistiques ou floristiques. Encore très minéraux et dominés par les sols imperméables (bitume), les cimetières pourraient être davantage plantés et perméables. Ils contribueraient ainsi à limiter localement les effets d’îlots de chaleur urbains (réduction des températures, accroissement de l’humidité de l’air, par évaporation et évapotranspiration des plantes, et de l’aération) », écrit l’Apur.

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