Mis à jour le dimanche 13 mars 2022 by Olivier Delahaye
Le 3 juin 2015, en partenariat avec Grand Paris Métropole, EDF organisait la deuxième session de son cycle consacré à l’évolution électrique du Grand Paris. Un « Grand Paris Histoires et Futurs » consacré à la lumière. Nous vous proposons ici d’en retrouver, en plusieurs temps, quelques échanges. Ce troisième épisode propose un zoom sur le lampadaire urbain, clef de voûte de la ville connectée.
Bardé de capteurs, communicant avec son environnement, le lampadaire sera un élément clé des smart cities. D’ores et déjà, de nombreuses expérimentations ont lieu. Pour Franck Simard, ingénieur chercheur chez EDF : « Le premier objectif est d’avoir un lampadaire intelligent, c’est à dire communicant. Il doit être intégré au réseau et acteur du smart grid. Sans être nécessairement 100% autonome, il peut produire de l’électricité et l’injecter au réseau ». Toulouse teste ainsi des éclairages de rue à détecteur de mouvement. Une centaine de ces lampadaires ont été déployés. Dès qu’ils détectent l’arrivée d’un piéton, ils se mettent en marche pour l’éclairer à 150 mètres autour de lui avant de s’éteindre dès que la rue se vide.
Pour s’assurer de la fiabilité de ce système, Toulouse a choisi un quartier où transitent à la fois des piétons, des cyclistes et des voitures. Aujourd’hui, les lampadaires ne s’éteignent pas encore totalement mais fonctionnent avec un éclairage minimum pour rassurer les populations. Car mettre fin à l’éclairage public déchaîne les passions : cette décision étant perçue comme un recul en matière de sécurité. Mais l’enjeu en vaut la peine. Dépensant 2,1 millions d’euros pour éclairer ses rues, Bordeaux, de son côté, peut espérer diminuer sa facture de moitié. Certes, le prix de ces lampadaires intelligents est aujourd’hui supérieur de 60 % à celui d’un lampadaire classique, mais ce surcoût devrait se réduire à environ 15% dès que les villes s’en doteront massivement.
Un parc à renouveler
Sandrine Leclercq, chef du département Efficacité Energétique des procédés industriels chez EDF R&D souligne : « La plupart des installations d’éclairage public en France sont anciennes et ont besoin d’être rénovées. L’investissement pour des lampadaires à LED peut donc être judicieux au vu des économies qui sont immédiates. Les LED durent en effet beaucoup plus longtemps et aujourd’hui changer une lampe a un coût avec la mobilisation d’une nacelle, la fermeture de la route, etc. » En effet, l’éclairage public représente près de 40 % de la facture d’électricité des communes. « Un système optimisé, précise Franck Simard, devrait permettre des économies annuelles de l’ordre de 50 à 60%. Pour l’Hexagone, l’économie d’énergie correspondrait à environ 30% de la production d’un EPR comme Flamanville. » Si la question de l’amortissement se pose encore, il y aussi celle des coûts de maintenance avec notamment la formation du personnel communal. Car le nouveau lampadaire est truffé d’électronique et son rôle ne se limite pas à l’éclairage.
Philips a ainsi imaginé un lampadaire en forme de fleur. L’intérieur des pétales, tapissé de panneaux photovoltaïques, s’ouvre au petit matin et suit la trajectoire du soleil.
De nouvelles fonctions
Depuis 2014, Nice teste un boulevard connecté où 200 capteurs installés sur des réverbères, dans la chaussée ou sur des containers, modulent l’éclairage en fonction des besoins mais gèrent aussi le stationnement et permettent d’adapter la collecte des déchets. Bien d’autres fonctionnalités sont étudiées et testées. « Depuis peu, souligne Franck Simard, EDF a acquis Citelum qui travaille sur la détection à distance des pannes. Beaucoup de recherches s’intéressent aussi à la communication entre les véhicules électriques et leur environnement. » L’Allemagne teste ainsi un système qui permet de recharger son vélo électrique, voire sa voiture, au pied du lampadaire. Celui-ci pourrait aussi faciliter la géolocalisation en zone dense, là où le GPS n’est pas suffisamment précis. La connexion se ferait alors grâce au Lifi, une technologie de communication sans fil basée sur l’utilisation de la lumière. « Cette technologie permettra d’offrir aux passants un accès à Internet par la lumière, précise Franck Simard, tout en évitant l’émission de radios-fréquences en zone dense ». Sous l’influence des designers, ce lampadaire futuriste prend forme.
Philips a ainsi imaginé un lampadaire en forme de fleur. L’intérieur des pétales, tapissé de panneaux photovoltaïques, s’ouvre au petit matin et suit la trajectoire du soleil. Quand le vent souffle, les pétales se replient et le réverbère se métamorphose en éolienne. Refermée la nuit, la fleur restitue sa lumière au gré des besoins, la redistribuant au réseau si elle dispose d’énergie en trop.
Marchons et produisons !
À Issy-les-Moulineaux, la municipalité a mis en place depuis 2012 le projet Issygrid dans les quartiers Seine ouest et Fort d’Issy. Dix entreprises et startups y développent des modes de production d’énergie renouvelable, un centre de stockage d’électricité, des compteurs communicants et un éclairage public innovant. Dans un premier temps, IssyGrid couvrira les besoins d’environ 10 000 employés sur un périmètre de 160 000 m2 de bureaux. Il pilotera au niveau du quartier la production d’énergies renouvelables (panneaux photovoltaïques, cogénération), la consommation des logements et bureaux ainsi que le stockage. Ce réseau intégrera l’éclairage public et la recharge de véhicules électriques.
Une autre voie est également expérimentée pour produire de l’électricité : l’énergie humaine. À Toulouse, le piéton produit de l’électricité en marchant sur des dalles. Selon les premiers tests, 5 000 piétons parcourant 15 mètres fournissent 3 heures d’éclairage. EDF envisage d’installer un démonstrateur de ce type lors de la COP21. Les délégués se rendant du métro vers la salle de conférences produiront alors une partie de l’énergie qu’ils consommeront. Face à tous ces développements, certains imaginent déjà un réseau planétaire de réverbères qui mesurerait l’humidité, la température et la qualité de l’air, communiquant ensuite les données recueillies. Pour Jeremy Rifkin : « Bâtir de tels réseaux pourrait générer une « troisième révolution industrielle. »