Le téléphérique urbain prendra-t-il le Grand Paris ?

Projection pour le Téléval, téléphérique urbain du Val-de-Marne - Crédit DR

Mis à jour le samedi 11 juillet 2020 by Olivier Delahaye

Le téléphérique urbain, un serpent de mer ? Si certains projets, avortés ou en sommeil, ont pu donner l’impression que le Grand Paris avait raté le train en marche du transport par câble, dans le Val-de-Marne et à Velizy, les projets se concrétisent tandis que les acteurs concernés se mettent en ordre de marche.

« La technologie du téléphérique urbain est extrêmement éprouvée. Elle n’a cessée de progresser depuis son apparition à la fin du 19e siècle, en gagnant en fiabilité, en sécurité, en robustesse notamment au contact des conditions extrêmes de montagne. Un solide savoir-faire et des compétences se donc développées. Sa consommation, assujettie à des moteurs électriques est extrêmement faible. C’est un des rares mode de transport 100% électrique qui peut, grâce à l’éolien ou l’énergie solaire par exemple, être considéré comme générateur de 0% de CO2. Grâce à la fréquence de rotation des cabines, qui sont d’ailleurs presque individuelles, il est aussi extrêmement souple. Enfin, il a un coût de réalisation bas au regard de ses capacités, 2 à 3 000 personnes transportées dans chaque sens par heure. Et puis, le transport à câble peut survoler des territoires impraticables, fleuves, autoroutes, espaces protégés, d’une manière ludique : pour le passager, c’est une petite minute de miracle. » Celui qui dresse un portrait si élogieux du téléphérique urbain, c’est Jean-Robert Mazaud, architecte associé à Antoine Grumbach pour le Grand Pari(s) sur les questions de développement durable et de changement climatique.

Depuis, les deux hommes ont créé, il y a cinq ans, la Compagnie de la S.E.I.N.E (Société d’Études et d’Ingénierie des Nouvelles Eco-mobilités), une société pour faire la promotion de ce qu’ils aiment joliment appeler « le tramway du ciel ».

Le téléphérique urbain a peiné à trouver sa place dans le Grand Paris

Jean-Robert Mazaud est en train de répertorier les téléphériques urbains de la planète, pour réaliser un atlas sur le sujet. Medellin, Rio, Portland, New York, Barcelone, Constantine : le transport urbain à câble séduit indéniablement les grandes métropoles mondiales. En France, dans le Grand Paris en chantier, on en parle depuis des années. On le promet même à un bel avenir. Sauf que… Dans les faits, le tableau n’est pas si rose. À Bagnolet, un projet de téléphérique était envisagé depuis 2008 par la municipalité communiste pour relier le métro Gallieni au quartier de la Noue. Depuis, silence radio. Contacté, le cabinet du nouveau maire, Tony Di Martino (PS), élu en 2014, est plutôt clair : « Le projet n’est pas porté par la nouvelle municipalité. Il était lié à un projet de densification qui a été abandonné. Ce n’est pas le principe du téléphérique en lui-même qui a été remis en question, mais l’ensemble du projet. »

Fin de l’histoire, donc. Antoine Grumbach n’en serait pas étonné. Pour lui, « L’enjeu urbain, ça se travaille. Les projets sont voués à l’échec par manque de connaissances alors que c’est un formidable outil d’avenir. On fait des études techniques mais pas d’études d’insertion urbaine alors, forcément il y a de la contestation », regrette-t-il.

Comparaison CO2 modes de transport
Comparaison des émissions de CO2 selon les types de transport. Source : Conseil général du Val-de-Marne

Un mode de transport parfois contesté

Comme à Issy-les-Moulineaux, échec le plus retentissant sur la petite liste des projets de téléphériques avortés. Contesté par une partie de la population pendant la campagne électorale, le projet est finalement abandonné par André Santini, le maire UDI. Les riverains dénonçaient notamment la dénaturation de leur environnement, de potentielles nuisances et la dévaluation des maisons survolées. « À Issy-les-Moulineaux, on a dit « c’est génial, on va le faire et tout le monde sera d’accord. » C’est une erreur de jeunesse. C’est d’ailleurs étonnant que Santini, qui fait d’habitude preuve d’une certaine dose de discernement, se soit fait emporté de cette façon-là. Ce sont des projets qui se doivent d’être expliqués, concertés, pourquoi pas amendés, comparés, argumentés, augmentés… », analyse Jean-Robert Mazaud.

Avec Antoine Grumbach, il a par ailleurs réalisé une étude de faisabilité, première analyse d’un projet de transport par câble aérien entre Pont de Neuilly et Grande Arche. Deux ans plus tard, l’Établissement public d’aménagement de la Défense Seine Arche (EPADESA) semble moins enthousiaste que les deux hommes. « Développer la mobilité douce des personnes fait partie des axes que l’EPADESA entend développer dans le cadre de sa stratégie pour les dix prochaines années. Le tramway du ciel est en effet l’une des actions en cours d’étude mais actuellement aucun projet n’a encore été défini », nous répond laconiquement le service presse de l’aménageur.

Autre projet cher à Mazaud et Grumbach, le téléphérique reliant la gare d’Austerlitz et la gare de Lyon. Anne Hidalgo avait dit (très prudemment) s’y intéresser pendant sa campagne. En janvier 2014, le Parisien titrait cependant à son propos : « Un téléphérique au-dessus de la Seine ? Compliqué. »

Le Téléval, premier « tramway du ciel » du Grand Paris

Pourtant, les choses sont en train de changer. D’abord, on le sait depuis février 2015, après des années aux airs, parfois, de traversée du désert, le Téléval se fera. Il figure noir sur blanc dans le Contrat de Plan État-Région 2015-2020 adopté par le Conseil régional d’Île-de-France. Les études vont se poursuivent et une concertation avec les habitants devrait avoir lieu, avant l’enquête publique, prévue en 2016. Le futur téléphérique du Val de Marne, qui permettra de relier en moins de 15 minutes le plateau villeneuvois à la station de métro Créteil – Pointe du Lac, a déjà été présenté aux habitants des communes de Créteil, Limeil-Brévannes, Valenton et Villeneuve-Saint-Georges en 2013. Il a été bien reçu. Il faut dire qu’il ne survole pas d’habitation…

Et puis, de manière plus récente, à Vélizy-Villacoublay, un projet prend forme et devient de plus en plus concret. Le 24 juin dernier, le CDT Versailles Grand Parc / Saint-Quentin-en-Yvelines / Vélizy- Villacoublay a été approuvé par le Conseil Municipal. Y figure le projet de téléphérique entre le Pont de Sèvres et Vélizy-Villacoublay dans le cadre de la liaison Nord-Sud entre le Pont de Sèvres et Courtaboeuf. Reste maintenant à trouver les financements.

Parcours Téléval
Parcours du Téléval entre Créteil et Villeneuve Saint-Georges.

Est-ce parce que les projets s’accélèrent que la RATP, Eiffage, POMA et CD-Via, entre autres acteurs, ont annoncé au début du mois la création d’un consortium et le lancement du projet « I2TC » pour travailler sur le sujet ? Sans aucun doute.

Un consortium pour anticiper l’émergence du transport par câble

« La RATP s’intéresse au transport par câble. Nous avons porté le projet d’Issy-les-Moulineaux : il n’y a pas eu de suite mais il nous semblait adapté. Par ailleurs, nous faisons le suivi du Téléval avec le Conseil Général. Avec le consortium, nous essayons de nous mettre en ordre de marche pour compléter nos compétences et contribuer à faire évoluer toute une série de points technologiques, sociaux et psychologiques pour faciliter la mise en œuvre, être pleinement partenaire des collectivités et du STIF et être présent dans l’émergence de ce mode de transport qui nous paraît être un élément majeur du futur des transports », confirme Philippe Ventejol, du Département Développement, Innovation et Territoires de la RATP.

Même constat chez Eiffage : « Nous travaillons en consortium pour faire progresser le transport par câble et lui faire franchir un cap, celui du transport de montagne. Nous avons l’espoir, et même l’objectif, comme dans tous projets de R&D, de prendre de l’avance et de déposer des brevets dans les 2 ans », explique Nicolas Moronval, Responsable du Pôle Développement à la Direction du Développement Durable.

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Esquisse pour la station Emile Combes (Téléval) – Crédit : Conseil général du Val-de-Marne

Penser des cabines, des infrastructures et des stations plus urbaines pour l’avenir

RATP, Eiffage : l’ensemble des acteurs a bien conscience qu’il faut faire évoluer le transport par câble pour l’adapter aux enjeux urbains. « Techniquement, c’est un transport complémentaire qui doit trouver sa place en ville. Dans le Grand Paris, il y a de nombreux endroits où on peut l’utiliser pour faire du rabattement. Mais il doit évoluer dans son look, son fonctionnement » ; précise Nicolas Moronval, qui se décrit comme un fervent convaincu de ce mode de transport « simple, rapide à mettre en place et ludique » Pour lui, les premiers « tramways du ciel » en fonctionnement balaieront les freins psychologiques. « Les parisiens acceptent que la Ligne 6 passe devant leurs fenêtres… La barrière du survol peut être surmontée d’autant qu’elle ne se pose pas systématiquement et peut être réglée en amont », dit-il.

Au cœur du consortium, POMA, groupe français acteur majeur des solutions de transport par câble cristallise tous les espoirs. Un accord de coopération dans le domaine du transport par câble en milieu urbain a été signé en janvier avec la RATP. À Velizy-Villacoublay, les deux partenaires planchent d’ailleurs ensemble sur une étude qui sera rendue début juillet. Le groupe est aussi lié à Eiffage depuis 2011, comme partenaire de Phosphore, un laboratoire de recherche en développement urbain durable.

Il faut dire que POMA, en un peu moins d’un siècle, a construit 8 000 installations dans le monde. « Il n’y a pas un autre sujet où les français sont autant partie prenante dans des résultats exceptionnels », commente l’architecte Jean-Robert Mazaud. « Nous avons avec POMA, qui est très dynamique, une pépite mondiale. Il n’y a plus qu’à… », complète et conclut Nicolas Moronval.

2 Commentaires

  1. J’ai proposé au CIO une ligne de télécabines pour desservir les deux parties du village olympique PARIS JO 2024 implanté sur les gares mortes de Chapelle-charbon et des Mines (18ème ).

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