Les Magasins Généraux de Pantin : une publicité pour le Grand Paris

Les Magasins Généraux, réhabilités par l'architecte Frédéric Jung. Crédit : Hervé Abbadie

Mis à jour le mercredi 20 mai 2020 by Olivier Delahaye

En friche depuis 15 ans, ce haut-lieu du graffiti a opéré sa mue. Nouveau siège de l’agence BETC, l’immeuble monumental doit faire émerger une nouvelle centralité métropolitaine.

Il y avait eu les Grands Moulins, en 2009, réhabilités pour que s’y installe BNP-Paribas Securities Services. Aujourd’hui, un autre symbole de l’ère industrielle de la ville de Pantin vient à son tour d’être conquis par le tertiaire. Aux Magasins Généraux siège dorénavant l’agence de publicité BETC. L’histoire a pris un peu de temps. Les deux entrepôts jumeaux qui composent l’ensemble avaient définitivement cessé leurs activités en 2000. On les appelait le « grenier de Paris ». On y stockait du grain, de la farine, des céréales… En friche, les graffeurs s’y étaient installés au point d’en faire une cathédrale du street art. Le lieu faisait rêver les architectes. On y projetait une école d’architecture, un centre d’exposition d’antiquités, un laboratoire pour Chanel…

De Levallois à Pantin

Et puis un homme en est tombé amoureux : Rémi Babinet, fondateur de BETC, filiale de Havas. Dès 2008, il fait visiter le lieu à quelques collaborateurs. Fabrice Brovelli, vice-président de BETC, raconte : « On était en février, il faisait froid et sombre. On y est allé avec une lampe torche. L’endroit était recouvert de tags qui nous faisaient parfois sursauter. Personne ne pouvait oser penser qu’on viendrait s’installer là un jour et je me disais que j’aurais quitté BETC bien avant que ça n’arrive. » Personne sauf Rémi Babinet. L’homme croit au Grand Paris. En 2008, il fait déjà partie de l’équipe de Jean Nouvel lors de la Consultation internationale sur le Grand Paris. En mai 2016, il deviendra aussi président du Fonds de dotation pour l’art et la culture du Grand Paris Express. En 2000, alors que les Magasins Généraux fermaient leurs portes, il avait fait déménager son agence de publicité de Levallois-Perret, dans ce grand ouest parisien conquis par les médias, pour l’installer en plein 10e arrondissement parisien. « On nous en parlait comme on nous parle de Pantin à l’heure actuelle. Ce n’était absolument pas boboland, que nous avons évidemment participé à faire éclore », raconte-t-il à Enlarge your Paris. Développement faisant, BETC est contraint de répartir ses équipes sur plusieurs sites avant de chercher à les réunir. Il faut grand et Paris est trop cher. Rémi Babinet regarde vers l’est et les Magasins Généraux…

Le télétravail au bureau

La création de la ZAC du Port de Pantin en 2011 donne le signal de la réhabilitation. Klépierre achète le bâtiment (qu’il revendra en juin 2016 à AG2R La Mondiale), Nexity est le promoteur et Frédéric Jung l’architecte. Celui-ci veut garder l’essence du bâtiment, « à la fois poétique et rude ». Il protège les coursives qui l’entourent sur 1,4 km et les passerelles extérieures, mais fait reculer la structure originelle. Il y fait entrer la lumière, introduit le bois dans la création de patios et le végétal en terrasse. Même s’il a dû effacer de la façade les tags qui avaient fait la réputation du lieu (« L’architecture est un sport assez violent », remarque Frédéric Jung), la démonstration est assez magistrale : dominant le canal de l’Ourcq, les Magasins Généraux sont d’une beauté monumentale.

En tant qu’utilisateur unique de ce site de 18 000 m2 (pour un loyer compris entre 400 000 et 500 000 euros par mois), BETC a pu donner quelques consignes, notamment pour les aménagements intérieurs. Aucun bureau fixe, y compris pour la direction, ni clos, pas vraiment des open space, mais des espaces de travail adaptés aux situations. Ici de grandes tables qui font penser à une bibliothèque publique, là des cubes pour s’enfermer à deux ou trois, ailleurs des tatamis pour des discussions informelles… « Les BETCiens sont nomades, sans bureau fixe », dit le dossier de presse. On passe deux heures ici, deux heures là, l’esprit coworking domine pour favoriser l’hybridation, nouveau pilier de l’innovation. « Dans nos anciens locaux, chacun s’était mis à vivre et travailler en groupe restreint, souligne Fabrice Brovelli. Ici, on souhaite créer des interactions entre tous. » L’hybridation, c’est ainsi placer la documentation à côté de la cantine, intégrer des lieux de production (film, radio, musique), prévoir un espace pour des débats publics près des bureaux. C’est surtout laisser ouvert le rez-de-chaussée de l’immeuble au public pour ne pas l’extraire de la ville ; une halle dédiée au bio local s’y installera bientôt avec un espace de restauration. Du micro-urbanisme en quelque sorte.

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Sur une chaise, un tabouret, dans un canapé ou dans un cube : les bureaux de BETC. Crédit : Philippe Garcia

Territoire métropolitain

On trouvera de tout, ou presque, aux Magasins Généraux (refaits pour 45 M€). On y croisera les 600 salariés de BETC qui ont emménagé à la mi-juillet, des startups, des artistes, on y croise déjà des femmes qui, sur le parvis, s’entraînent tôt le matin à quelques pas de danse. Le lieu doit bel et bien devenir une centralité pour cette ZAC du Port de 6,6 ha où est prévue la création de logements, de commerces et d’équipements. Plus globalement, c’est la plaine de l’Ourcq qui est visée par une nouvelle urbanité. Inscrit au contrat de développement territorial d’Est Ensemble, ce territoire de 115 ha doit se réaménager d’ici 15 ans, de Pantin à Bondy en passant par Romainville, Bobigny et Noisy-le-Sec.

En attirant Hermès, Chanel, la BNP, et aujourd’hui BETC, Pantin en est déjà la figure de proue. Pour définitivement tourner le dos à son passé industriel ? Pas sûr, mais c’est en bonne voie. Face aux Magasins Généraux, le long bâtiment tout neuf d’Elis, entreprise de vêtements professionnels, marque sa différence. En 2012, ses 300 salariés avaient quitté leur bâtiment historique situé aux abords des Grands Moulins. Juste 1,5 km vers l’est. Pour l’instant, car la mairie de Pantin aimerait bien reconquérir aussi ce côté de la rive de l’Ourcq. Un jour… Car Pantin n’est définitivement plus une ville de banlieue. Du haut de la terrasse de BETC, on voit émerger à l’ouest les tours de La Défense où siègent quelques-uns des clients de l’agence de publicité…

Magasins Généraux à Pantin : vue de la terrasse
De la terrasse de BETC : sans doute quelques clients à l’horizon. Crédit : Olivier Delahaye

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