Logistique urbaine : la Métropole du Grand Paris à la relance

Parade Cinzano
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Mis à jour le mercredi 29 décembre 2021 by Olivier Delahaye

Établi en 2018, le « Pacte pour une logistique métropolitaine » de la MGP s’était embourbé dans les crises. Le revoilà avec un ensemble d’orientations qui doivent dorénavant se décliner en mesures concrètes.

La crise sanitaire a provoqué une ruée sur le commerce en ligne, un secteur qui n’avait pas vraiment besoin de ça pour prouver sa vitalité : une croissance en France de +101 % en 6 ans, près 2 milliards de transactions avant la crise, un chiffre d’affaires qui atteint les 115 milliards d’euros. Qui dit e-commerce dit logistique, surtout dans sa forme B2C (business to customer). Et qui dit logistique dit livraison. Avant crise, une ville sur-embouteillée comme Paris pouvait faire craquer n’importe quel chauffeur-livreur et, en retour, ce chauffeur-livreur participait de la congestion. Durant la crise, les confinements ont fait disparaître la congestion et ouvert la route aux livreurs. Après la crise, il est peu probable que l’e-commerce s’enraye. Et il est peu probable que les bouchons de la capitale disparaissent comme par enchantement.

Des communes démunies

Les collectivités locales s’en inquiètent. La Métropole du Grand Paris vient de réaliser une enquête quantitative auprès des communes qui la fédèrent et des Établissements publics territoriaux (EPT) sur la question de la logistique urbaine. 80 % des répondants reconnaissent des problèmes liés à cette activité. En premier lieu, la congestion, mais aussi les conflits d’usage, les pollutions sonores et atmosphériques, voire même la dégradation de la chaussée. Pour y faire face, ces collectivités semblent démunies. 85 % des communes n’ont aucun service dédié (la question est prise en charge par le service de la voirie ou celui du commerce) ; 52 % des communes estiment avoir une connaissance faible de la logistique (très faible à 35 %) ; et beaucoup d’entre elles veulent de l’aide : des ressources humaines, du soutien, des outils d’analyse, des guides pratiques… Ça tombe bien. La MGP est en train de concocter des mémos sur la question. Car la MGP veut fonder une véritable politique logistique au sein de la métropole, un thème délaissé par la plupart des grandes collectivités locales franciliennes qu’elle compte bien enfourcher. Question de crédibilité.

Le casse-tête de la réglementation : suivre Paris

Au sein d’un pacte concocté en 2018, elle a mis en place des groupes de travail qui se sont ingéniés durant 30 mois à démêler les problématiques pour faire émerger des solutions ; les crises successives et le « politicodrame » des élections municipales ayant freiné leurs ambitions. Ce « Pacte pour une logistique métropolitaine » a tout de même réuni 82 partenaires, dont 24 collectivités. L’un des groupes a planché sur les réglementations des transports de marchandises au sein des communes. Comme le dit Jean-Michel Genestier, maire DVD du Raincy (93) et conseiller métropolitain à la logistique urbaine :

« 131 communes au sein de la Métropole du Grand Paris, c’est 131 règles de circulation : un casse-tête. »

Et concernant une réglementation spécifique pour les marchandises, c’est le brouillard : 42 % des communes qui ont répondu au questionnaire de la MGP disent qu’elles n’en ont pas et 29 % n’en savent rien. Pour que les entreprises de logistique et de livraison s’y retrouvent, l’idéal serait d’harmoniser un peu tout cela. De savoir quels sont les critères qui autorisent la circulation d’un poids lourd en milieu urbain : le tonnage ? la longueur ? la surface ? Aujourd’hui, un chauffeur routier peut passer de Vanves à Clamart sans savoir si son véhicule correspond aux arrêtés pris par la mairie.

En la matière, la Ville de Paris a fait sa petite révolution avec un arrêté au 31 décembre 2020 spécifiant de nouvelles règles de circulation pour le transport de marchandises. Critère discriminant : la longueur. Circulation interdite aux véhicules de plus de 16,50 mètres ; circulation restreinte entre 22 h et 7 h aux véhicules entre 12 et 16,50 mètres. Temps d’arrêt autorisé : 30 minutes. Le groupe de travail constitué par la MGP propose de se baser sur ce référentiel parisien pour le généraliser à toute la métropole. Ainsi que d’harmoniser la signalisation sur les 131 communes.

Logistique VS NIMBY

« En matière d’aménagement urbain, la logistique fait l’objet d’un déni, prévient Sonia Samadi, directrice du développement chez Sogaris, le spécialiste des sites logistiques. Les entrepôts ont disparu du paysage urbain depuis des décennies. Et les nouveaux quartiers qui se créent ne la prennent pas en compte. » Comme d’autres grands services urbains, la logistique souffre du NIMBY (Not in my backyard). À ce déni s’ajoute un paradoxe temporel : les objectifs en matière de transition énergétique se révèlent de plus en plus proches, l’aménagement suggère du temps long.

Or, il s’avère que la décongestion en matière de mobilité n’est pas qu’une question de flux, mais aussi une question d’espace et donc une question foncière.

Alors, comment lever les freins ? Quels types de surfaces ? Quelle intégration paysagère ? Quels usages pour demain ? Et donc, quelle réversibilité des lieux ? L’enjeu, selon Sonia Samadi est de « penser en amont de nouveaux espaces logistiques pour les intégrer dans le tissu urbain et de mesurer leurs impacts sur les flux ». Par la voix de son président, Patrick Ollier, la MGP plaide pour une rapide révision des PLU communaux qui puissent intégrer la logistique et d’identifier des parcelles de 5 000 m2 pour y implanter des nouveaux espaces.

À la rue près

Identifier et aussi mutualiser. À la manière du bâtiment de Sogaris dans le quartier de Chapelle International : un hôtel logistique de 45 000 m2 recouvert d’une ferme urbaine et de terrains de sport. La mixité fonctionnelle peut être une réponse à la recherche d’espaces, plus petits, plus en adéquation avec la logistique urbaine, celle du dernier kilomètre.

Identifier, mutualiser et aussi reconvertir. Aller à la pêche aux friches et autres délaissés urbains. Comme P4, ce hub de distribution entièrement démontable de 1 000 m2 construit sous le périphérique à la Porte de Pantin, assurant la livraison en camions électriques. Autre exemple avec La Folie Champerret, projet né de Réinventer Paris qui reprend une station-service désaffectée pour en faire une plateforme de 2 000 m2 permettant une desserte fine des 17eet 18earrondissements de Paris ainsi que des communes de Neuilly-sur-Seine et de Levallois-Perret à l’aide de véhicules propres. Bref, la logistique urbaine, dorénavant, ça se veut agile, ça se conjugue avec d’autres services, ça se glisse dans les interstices, ça se passe à la rue près.

Bâtiment de la Folie Champerret. Crédit : Sogaris

Le fluvial, c’est primordial

Ça prend le bateau aussi. L’un des groupes de travail de la MGP se nomme « Penser au fluvial pour le transport de marchandises ». Des acteurs comme VNF ou Haropa aimeraient sans doute qu’on fasse plus qu’y penser. Directeur du bassin de la Seine chez VNF, Dominique Ritz s’en fait le porte-parole : « Le fluvial reste méconnu des décideurs économiques et politiques. » Il y a dix ans, Paris avait pris un peu d’avance avec la décision de l’enseigne Franprix de desservir ses magasins par barge fluviale. Depuis, cette avance a fondu. Alors il est question de changer de braquet. VNF prépare un guide à destination des décideurs. Haropa promet le développement d’un simulateur calculant la pertinence du transport fluvial et promeut Zulu, la nouvelle barge polyvalente et maniable de l’armateur Sogestran pour un acheminement des marchandises au plus proche.

La barge Zulu en démonstration en 2020. crédit : VNF

Toutefois, le fluvial compte surtout imposer sa présence sur deux secteurs : celui des déchets et celui des grands travaux. En 2019 et 2020, une déchèterie fluviale éphémère a ainsi été amarrée quai de Bercy, à Paris : 15 tonnes récoltées en 2019, 20 tonnes en 2020. Et depuis 2014, l’éco-organisme Valdelia expérimente le transport fluvial de mobiliers professionnels usagés. Côté grands travaux, c’est plus probant. Dès 2013, Haropa-Ports de Paris avait signé un partenariat avec la Société du Grand Paris pour l’évacuation des déblais de son monumental chantier du Grand Paris Express. Haropa espère en véhiculer 7 millions de tonnes sur les 45 millions de tonnes prévues. Le complexe portuaire a récidivé avec la SOLIDEO dans le cadre des chantiers des Jeux olympiques 2024. Et se tourne dorénavant vers la construction bois avec le déploiement de plusieurs expérimentations de livraisons entre la Normandie et le Grand Paris. 

Question de crédibilité

La Métropole du Grand Paris voit effectivement l’Axe Seine comme l’une des composantes de la nouvelle feuille de route qu’elle entend mettre en place en 2021, histoire de lancer l’acte 2 de son Pacte logistique qui a un peu trop hiberné. Elle compte aussi sur la data en s’inspirant de l’initiative parisienne : la mise en place d’aires de stationnement « intelligentes » pilotées à l’aide d’une appli déclarative pour une gestion plus fine de l’occupation des places de livraison. Elle compte sur la transition énergétique des véhicules avec Métropolis, son réseau de 5 000 bornes électriques qu’elle a pu inaugurer ce 9 février dans la ville « expérimentale » d’Issy-les-Moulineaux. Elle compte de toute manière agir vite et fort et promet des réalisations dès juin 2021. Une question de crédibilité.

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