Métropole du Grand Paris : des territoires ou le no man’s land

Mis à jour le jeudi 6 août 2020 by Olivier Delahaye

DÉCRYPTAGE. Réuni en comité syndical le 16 mai, Paris Métropole a lancé un caillou dans la chaussure du Grand Paris : une résolution unanime pour refaire la loi du 27 janvier. Faute de quoi, le syndicat d’élus ne participerait plus à la mission de préfiguration.

Palais de Tokyo. 16 mai. 12h30. Dans le brouhaha et l’agitation qui président à l’installation du festival « Banlieue is beautiful », au fond de l’obscure Salle du Yoyo, au sous-sol du Palais de Tokyo, les trois représentants du syndicat mixte Paris Métropole, Daniel Guiraud (président, PS), Philippe Laurent (vice-président, UDI) et Patrick Braouezec (vice-président, FG), tiennent une conférence de presse. Les symboles sont multiples et représentent la cacophonie propre à la Métropole du Grand Paris, l’émergence incontestée de la banlieue parisienne, les passes d’armes entre partisans d’une métropole fédérée et supporters de la métropole intégrée ainsi que les tractations politiques qui s’opèrent en sous-main.

Pile ou face

Les élus de Paris Métropole viennent de voter une résolution en comité syndical. Unanimité des 118 présents (moins deux absentions) sur 209 membres. Résolution qui demande au gouvernement, de « s’engager sur la modification de l’article 12 de la loi MAPAM », celui instaurant la Métropole du Grand Paris (MGP). En cela, les élus de Paris Métropole, même avec les changements de tête intervenus après les Municipales, redisent « leur constance », selon Philippe Laurent : « On en revient toujours à notre conviction que la seule façon de construire une métropole moderne est qu’elle soit fédérative. Tout part de la dynamique des territoires. » Or, ces territoires, selon Paris Métropole, ne sont que des fantômes dans la loi du 27 janvier. Sans statut juridique, sans périmètre, sans compétences définies ni projet métropolitain, ils fonderaient une métropole hors-sol.

Ce sont bien deux approches idéologiques de la Métropole qui continuent de s’affronter : l’approche intégrée qui a fondé la loi veut une institution centrale qui déléguera ensuite des compétences à des territoires restant à créer ; l’approche fédérée veut partir de ces territoires pour remonter vers une instance les englobant. Dans ce cas, il semble évident qu’il convient de donner à ces territoires un « statut juridique sui generis », comme le note la résolution. Et les élus de Paris Métropole d’argumenter leur décision par la voix de Patrick Braouezec : « Il faut partir de l’existant, de la réalité, tout autre scénario serait impossible à mettre en œuvre. » Pourquoi ? D’abord, pour une question de date : « Si on doit démolir ce qui a été fait pour le refaire ensuite, la date du 1er janvier 2016 (date de création de la Métropole du Grand Paris, NDLR) me paraît particulièrement périlleuse », doute Patrick Braouezec. Daniel Guiraud évoque, lui, le 30 septembre 2014, date à laquelle 46 communes de grande couronne devront faire le choix d’appartenir ou non à la Métropole : « Elles en seront incapables si elles ne connaissent pas l’économie générale de la MGP. Comment vont-elles faire leur choix ? À pile ou face ? Il va falloir toucher à cette date. »

Une préfiguration mort-née

Une deuxième raison sous-tend et impacte bien plus encore l’argumentaire de Paris Métropole. Elle se lit en filigrane dans la dernière ligne de la résolution : « Paris Métropole, qui co-préside la mission de préfiguration, prendra toutes ses responsabilités en ce sens. » Exprimé par Philippe Laurent, c’est bien plus clair : « S’il n’y a pas un engagement de l’État pris au plus haut niveau, c’est-à-dire Président de la République ou Premier ministre, de remettre sur le métier l’article 12, il n’y aura pas d’entrée dans la mission de préfiguration. » Dont acte. Cette mission de préfiguration dont on attend le décret d’un jour à l’autre pourrait donc être mort-née. Ce à quoi se refuse de croire Daniel Guiraud : « Il y a une volonté commune de tout le monde de trouver des solutions. Pour l’instant, j’ai des réponses assez positives de la part de l’État. D’ici le prochain comité syndical, mi-juin, nous aurons rencontré le Premier ministre, avec, certainement une meilleure lisibilité de la réforme territoriale, et l’on pourra commencer à travailler. » Paris Métropole a, de fait avec cette réforme, une carte dans sa manche : la possible fin des départements de petite couronne. « S’ils disparaissent, raison de plus que les territoires aient un statut juridique, note habilement Patrick Braouezec, et peut-être même une fiscalité propre pour pouvoir mener les politiques intercommunales, mais aussi celles qui pourraient être reportées des départements vers ces territoires. »

Reste que toucher à la loi oblige à revenir devant le parlement où siègent bon nombre d’opposants à cette vision métropolitaine. « C’est pour ça que ce n’est pas si simple », glisse Philippe Laurent. Un texte transpartisan pourrait naître d’un accord UMP-UDI-PS-PC et refaire doucement basculer la Métropole de l’approche intégrée vers l’approche fédérée… En attendant, « c’est un peu le bordel », notait une journaliste ce 16 mai. « Disons que nous sommes dans une situation un peu brouillonne », répondait, bonhomme, Philippe Laurent.

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