
Mis à jour le jeudi 6 août 2020 by Olivier Delahaye
La Mission de préfiguration du Grand Paris est venue à bout de son premier ouvrage : une proposition à destination du Premier ministre pour réviser l’article 12 de la loi MAPTAM. Ce faisant, son Conseil des élus a autant cherché à maintenir sa cohésion, à avancer groupé face au gouvernement, qu’à bousculer de fond en comble une loi qui ne lui convenait pas.
« Un consensus » pour des élus de droite, « un compromis » préférait-on dire à gauche. « Historique » pour certains, « au rabais » pour d’autres. « Pas à la hauteur des enjeux », selon Olivier Klein, maire PS de Clichy-sous-bois. « Il fallait réécrire la loi, nous avons fait un choix », a répondu Patrick Ollier, maire UMP de Rueil-Malmaison. Le Conseil des élus de la Mission de préfiguration de la Métropole du Grand Paris siégeait mercredi 8 octobre au soir dans le grand auditorium de la Préfecture d’Ile-de-France pour approuver ou non un texte de proposition concocté par son comité de pilotage en vue de modifier l’article 12 de la loi MAPTAM du 27 janvier 2014. Il l’a approuvé.
La propostion dans ses grandes lignes
Au printemps, la crise avait secoué le syndicat mixte Paris Métropole, divisé quant au principe d’entrer de plain-pied dans la Mission de préfiguration sur la base d’un texte de loi qui ne convenait pas à la majorité des élus. Manuel Valls avait fait un geste : Proposez-moi quelque chose. Tout en tenant à souligner qu’il y avait une certaine ligne rouge à ne pas franchir sur la fiscalité des territoires créés par la loi : ils n’auront pas de ressources propres, tout ira à la Métropole qui les fera redescendre vers les dits territoires. Paris Métropole a dit banco, a intégré la Mission et a franchi la ligne rouge : les territoires bénéficieront d’une fiscalité propre, la Métropole aussi. La proposition que le Conseil des élus a envoyé au Premier ministre mercredi soir revoit même la loi de fond en comble.
« Nous sommes allés un peu au-delà de ce que demandait le Premier Ministre » a avoué, penaud, Daniel Guiraud, maire PS des Lilas et co-président de la Mission de préfiguration avec le préfet d’Ile-de-France Jean Daubigny. « Un peu », c’est peu dire.
Ce qui ne change pas
Comme convenu, la Métropole du Grand Paris sera bien créée le 1er janvier 2016, en un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Son périmètre d’action est pour l’instant le même : Paris et petite couronne. Le seuil minimal des territoires nouvellement constitués reste inchangé à 300 000 habitants, excepté Paris qui est un territoire à lui seul.
Ce qui change
D’abord le statut des territoires. En fait, pas vraiment. Le problème est que les territoires voulus par la loi n’avaient pas de statut. Dans une séance de l’Assemblée nationale en juillet 2013, Patrick Ollier les avait même qualifiés d’OJNI (Objets juridiques non identifiés). C’est aussi ce qu’a expressément demandé Manuel Valls à la Mission : trouver un statut juridique à ces territoires. Celle-ci n’a pas été chercher bien loin : les territoires seront des EPCI, reprenant « automatiquement les compétences des EPCI prééexistants », autrement dit les intercommunalités de première couronne telles que Plaine Commune ou GPSO.
Ensuite, la fiscalité. En général, le point qui fâche c’est les sous. Les élus grands parisiens voyaient d’un très mauvais œil la création de territoires sans ressources et attendant la becquée de la part de la Métropole-Mère. Pour eux, pas de fiscalité propre = des territoires sans dynamique de projet. Par conséquent, ils proposent que « les territoires perçoivent le produit de la cotisation foncière des entreprises (CFE), mais aussi les taxes dédiées et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle. » Ils pourront aussi recevoir l’ex-part départementale de la taxe d’habitation, dans le cas où les communautés d’agglomération leur préexistant à périmètre équivalent la percevaient. De son côté, la Métropole percevrait « l’ensemble de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). »
Du point de vue des compétences, le principal changement par rapport à la loi réside dans la non attribution du PLU à la Métropole. À la place est prévu un schéma de cohérence territorial (SCOT), « avec lequel les PLU des territoires devront être compatibles. »
Autre modification, le périmètre possible d’intervention métropolitaine. A minima, il concernera bien Paris et ses trois départements limitrophes (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne). Il est aussi toujours prévu que les communes de grande couronne faisant partie d’une intercommunalité de petite couronne adhérent, sur demande, à la Métropole. Mais elles pourraient être rejointes par « des communes signataires d’un contrat de développement territorial (CDT) comprenant une plateforme aéroportuaire. »
Enfin, reste la question du calendrier. Déjà, la Mission propose que les fameuses communes de grande couronne aient plus de temps pour délibérer sur leur insertion métropolitaine, donc au-delà du 15 novembre prévu. Ensuite, si la Métropole verra le jour au 1er janvier 2016, il est prévu une « montée en puissance par un transfert progressif des compétences à la Métropole d’ici la fin 2017. »
Sauf que…
Evidemment, ces nombreux changements posent des questions et soulèvent des problèmes. Premièrement, comme l’a rappelé Daniel Guiraud, « les élus ne sont pas censés écrire la loi, ils soumettent. » Dans un premier temps, ce sera à Manuel Valls d’examiner leur projet (dès lundi 13 octobre) et de l’intégrer ou non à un amendement gouvernemental en vue de modifier l’article 12 de la loi MAPTAM. Lors des débats à Paris Métropole et au Conseil des élus de la Mission de préfiguration, le président du Conseil général des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, l’a martelé : « Si nous lui proposons une solution unique, le gouvernement sera obligé d’en tenir compte. » Si, effectivement, il le fait, ce sera au Parlement de trancher.
Or, les propositions du Conseil des élus reprennent en substance des éléments qui figuraient dans le premier projet de loi de 2013 rejetté en son temps par le Sénat. Pourrait donc s’annoncer une rude bataille. Les opposants à ce projet avorté, au premier rang desquels le député PS des Hauts-de-Seine Alexis Bachelay, dénonçaient alors une « Métropole low cost ». Le nouvel article 12 qu’ils pourraient avoir à débattre ne crée certainement pas la Métropole forte qu’ils désirent. Pourtant, mercredi Alexis Bachelay n’a pas voté contre la proposition, mais s’est juste abstenu. Une manière d’accepter le compromis ou de donner rendez-vous ?
Autre souci, la loi Chevènement de 1999 sur l’intercommunalité interdit à une commune de faire partie de deux EPCI à fiscalité propre. En donnant aux territoires et à la Métropole ce statut, la proposition du Conseil des élus implique le contraire. Il faudra donc réviser la loi, ce qui ne fait pas peur à Patrick Devedjian : « Ce que les parlementaires ont fait, ils peuvent le défaire. »
Enfin, de ce qui est des ressources financières la Métropole se retrouve considérablement affaiblie au profit des territoires. La DGF, dotation de l’Etat aux collectivités territoriales, « va clairement diminuer », selon Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux.
Sur son blog, l’élu écrit que « les ressources propres de la MGP ne dépasseront pas quelques dizaines de millions d’euros. »
L’autre partie du financement de la MGP provenant de la CVAE, il poursuit : « Il ne faut donc pas se faire d’illusion sur sa capacité financière à agir, notamment en terme de levier d’investissement sur les territoires les plus fragiles, et qui dépendra pour l’essentiel de la croissance économique. » La Métropole mettra bien en place un fonds métropolitain de soutien à l’investissement, mais pour Olivier Klein, maire d’une ville en difficulté s’il en est (Clichy-sous-bois), « le niveau et la manière d’abonder ce fonds n’est pas assuré ». Une MGP qui « partage l’avenir et non le passé », selon la formule de Philippe Laurent, devient donc pour Olivier Klein « une partie de poker, un pari sur l’avenir qui n’est pas acceptable. »
Les véritables enjeux
« Nous avons un consensus sur le consensus », disait Daniel Guiraud le 30 septembre, après une réunion du Conseil des élus. « Nous cheminons vers une solution consensuelle », assurait Patrick Ollier le même jour. « Nous faisons converger beaucoup de points de vue », lançait Patrick Braouezec à la suite d’un comité syndical de Paris Métropole le 23 septembre.
Et d’établir alors trois points de vue consensuels : « Un : il y aura une Métropole au 1er janvier 2016. Deux : cette métropole sera light. Trois : elle évoluera vers une version plus définie en 2018 ou 2020. »
Les élus locaux réclament du temps, donnant pour exemple la lente montée en puissance des intercommunalités. Là-dessus, Alexis Bachelay ironise : « Oui, il faut faire ça avec humilité. Nous n’avons que 50 ans de retard sur le Grand Londres, il ne serait pas question de les rattraper trop vite ! » Ce à quoi Philippe Laurent pourrait répondre : « En réalité, les détours partisans, les refus de discussion et les mauvais procès entendus de part et d’autre nous ont fait perdre pratiquement deux ans. Le texte que nous avons voté ce 8 octobre 2014 aurait pratiquement pu être voté le 17 décembre 2012, date « noire » du constat de désaccord principalement dû à une insuffisance de maturité sur la question d’une large part des élus du territoire métropolitain. Ce constat est aussi la démonstration du principe selon lequel, dans toute construction humaine complexe, “il faut laisser du temps au temps“ pour que la pédagogie et la réflexion fassent leur œuvre. »
Sur les 155 votants de mercredi soir, 134 se sont levés pour dire oui au texte. 13 se sont abstenus. 8 ont dit non. Soit une victoire à 86%. Soit « un véritable consensus », selon Patrick Devedjian. « Plutôt un compromis, reprend Patrick Braouezec. Un consensus voudrait dire qu’on est d’accord. En fait, nous avons mis de côté certaines idées de part et d’autre afin que le débat puisse continuer. » Compromis ou consensus, consensus sur le compromis ou compromis sur le consensus, le véritable enjeu pour ces élus de tous bords était bien de créer la base d’un texte de loi pour maîtriser leur avenir. Tout se passe comme si les habituelles rivalités droite-gauche se déplaçaient sur un champ transpartisan local-national sur fond de décentralisation.
Le véritable enjeu est aussi sans doute de « conserver ce processus de travail singulier de la Mission de préfiguration comme de Paris Métropole », selon les mots de Daniel Guiraud. Le bel outil métropolitain qu’a su devenir le syndicat Paris Métropole risque gros chaque fois qu’il lui est demandé de prendre une décision, son jeune passé en témoigne. Faire exploser la Mission de préfiguration, c’était prendre le risque de faire exploser Paris Métropole et au-delà, sans doute, l’éventuelle Métropole du Grand Paris. Or, plus personne ne doute que Métropole il doit y avoir.
Le véritable enjeu était enfin de bâtir un socle commun entre des hommes et des femmes de tous bords politiques qui auront sans doute à gouverner cette nouvelle instance à tour de rôle. On ne sait pas bien si les 225 membres du Conseil des élus auront réussi à bâtir ce socle. Sans doute ont-ils posé des fondations à minima, « un acte 1 prélude à un acte 2 », comme le dit Daniel Guiraud. En cherchant obstinément un accord, ils obtiennent le plus petit dénominateur commun, mais avancent, en choisissant le pragmatisme. « Une solution s’impose : créer la Métropole puis la construire », résume Patrick Braouezec.
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