Mis à jour le mardi 8 septembre 2020 by Olivier Delahaye
Le tramway T4 a trouvé son point de chute près d’un hôpital. Un endroit quasi symbolique pour une ville de Seine–Saint-Denis qui souffre depuis longtemps et veut voir dans ce nouveau moyen de transport le début de sa guérison.
Depuis le lundi 31 août, la ville de Montfermeil (Seine–Saint-Denis) est un poil moins enclavée. En attendant l’arrivée de la ligne 16 du Grand Paris Express (GPE) qui devrait l’intégrer à l’arc nord-est du nouveau métro en 2025, la voici pleinement reliée au tramway T4 avec, enfin, l’ouverture de la nouvelle station terminus Hôpital de Montfermeil.
Connecter l’hôpital, ce n’est pas virtuel
Mis en service en 2006 sur le trajet Bondy — Aulnay-sous-Bois, le T4 avait fait l’objet treize ans plus tard, en 2019, d’un nouvel embranchement à Gargan pour rejoindre la station Arboretum, déjà à Montfermeil, et ce malgré l’opposition de villes voisines comme Livry-Gargan et Les Pavillons-sous-Bois qui craignaient des nuisances dues à l’extension. Le prolongement jusqu’à l’hôpital de Montfermeil (plus exactement groupe hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil) était attendu de longue date par les habitants de Seine–Saint-Denis du fait du rayonnement de l’établissement de santé. Celui-ci dispose de 635 lits, emploie 1 900 agents et 300 médecins, effectue 33 000 entrées directes par an et 6 700 interventions chirurgicales, et enregistre 70 000 passages aux urgences. Premier établissement de court séjour du département, il est rattaché à 10 communes de Seine–Saint-Denis, mais aussi à celle de Chelles, en Seine-et-Marne, qui représente 15 % de sa patientèle.
Rappelons enfin que la Seine–Saint-Denis dispose de 7 hôpitaux pour 1 600 000 habitants contre 13 pour les Hauts-de-Seine qui comptent le même nombre d’habitants. Dans un contexte sanitaire particulièrement tendu, l’enjeu de l’accessibilité est donc loin d’être dérisoire.
Histoire de patienter avant le Grand Paris Express
Une accessibilité qui concerne aussi les actifs. Désormais, le trajet s’effectue en 30 minutes (contre 50 minutes auparavant) entre Montfermeil et Bondy où s’interconnecte le RER E. Un gain important lorsque l’on sait les dynamiques à l’œuvre entre les bassins d’emploi de Clichy-Montfermeil et Chelles — l’un des terminus de la ligne E —, mais aussi une desserte améliorée vers Paris et ses quartiers de bureaux à Haussmann — Saint-Lazare. Des dynamiques qu’avait analysées l’Apur en 2015.
Grâce au nouveau terminus, les Montfermeillois peuvent aussi, à l’embranchement de Gargan, rejoindre le RER B et la ligne K du Transilien à Aulnay-Sous-Bois. Et donc atteindre plus facilement Paris-Nord et, surtout, l’importante zone d’emploi de Roissy. Certes, le T4 ne constitue pas encore la panacée. Il faudra attendre son interconnexion avec la ligne 16 du GPE, à la station Clichy-Montfermeil, pour que les Montfermeillois soient dotés d’un véritable accès à un réseau de transport lourd.
Président du Conseil départemental de Seine–Saint-Denis, Stéphane Troussel l’explique bien : « Aussi crucial qu’il soit, le T4 n’est qu’une première étape : seule l’arrivée de la ligne 16 du Grand Paris Express finira de désenclaver pour de bon ce territoire. » Là encore, l’Apur est catégorique : « L’arrivée du GPE et de l’ensemble du réseau à l’horizon 2030 devrait permettre une amélioration significative de l’accessibilité à la métropole depuis le quartier (de Clichy-Montfermeil). Le gain en termes de territoire est ainsi estimé à +328 % et ce sont 11 fois plus d’emplois qui seront potentiellement accessibles en 45 minutes de transports en commun, correspondant notamment à l’ensemble de l’est de la métropole (et une partie du nord et du sud de celle-ci). »
La promesse d’une ville
Partout où il passe, le tramway requalifie l’espace urbain. C’est même devenu l’une de ses principales caractéristiques. Son déploiement incrémentaire permet à la ville de se reconstituer à un rythme doux. Sans grand geste architectural, mais avec une sorte d’humilité. Le T4 le révèle à son tour. Végétalisation de la plateforme, pavage des abords, création de placettes, nouveau mobilier urbain : les aménagements se réalisent en même temps que la construction de la ligne qui traverse dorénavant le cœur de Montfermeil entre son superbe arboretum et l’hôpital. Les nouveaux visages urbains se dessinent peu à peu, s’adoptent, s’apprivoisent même, sans brutalité.
Pour des villes comme Montfermeil, malmenées par un urbanisme à l’emporte-pièce, cela constitue un certain processus d’embellissement ou plutôt l’idée d’en finir avec le délaissement. Si l’on considère que la ville est devenue un espace où les modes de déplacement doux doivent être privilégiés, alors Montfermeil tient le bon bout avec la piétonnisation d’une partie de son centre et des aménagements cyclables le long du T4. Île-de-France Mobilités en profite d’ailleurs pour équiper les stations en arceaux pour les vélos, dans une ville où seuls 26 % des ménages n’ont pas de voiture (contre 61 % à Paris).
À condition aussi que le fameux quartier de gare qui doit accompagner l’arrêt de la ligne 16 à Clichy-Montfermeil tienne ses promesses en matière d’urbanité et que la tour Utrillo, démolie en 2017 pour se transformer un jour en résidence d’artistes, ne devienne pas un éléphant blanc.
Une boucle ?
Inaugurée le 5 septembre par une pléiade de personnalités politiques (le préfet de la région Île-de-France, Marc Guillaume, la présidente de Région, Valérie Pécresse, le président du Conseil départemental de Seine–Saint-Denis, Stéphane Troussel, et le maire de Montfermeil, Xavier Lemoine), la station Hôpital de Montfermeil prend des allures symboliques à l’heure où la crise sanitaire a exhibé des inégalités territoriales flagrantes. À l’avenir, le T4 pourrait même effectuer une boucle avec l’installation de deux nouvelles stations, histoire d’encore mieux irriguer la ville. Des études ont été lancées pour leur réalisation.
Repères T4
Depuis fin 2019 : 9 nouvelles stations entre Les Pavillons-sous-Bois et Montfermeil
15 nouvelles rames Dualis
250 personnes par rame
37 000 voyageurs attendus par jour
Vitesse moyenne : 20 km/h en site urbain
Vitesse maximale : 100 km/h en périphérie
Correspondances : RER B et E, futures lignes 15 et 16 du GPE, futur TZen 3
Autorité organisatrice : Île-de-France Mobilités
Exploitant : Transilien SNCF