Mis à jour le samedi 18 février 2023 by Olivier Delahaye
Par la voix de David Belliard, la mairie présentait son nouveau plan vélo 2021-2026 ce jeudi 21 octobre 2021. Un programme à 250 millions d’euros qui doit faire de Paris une ville 100 % cyclable à l’issue de la mandature.
Paris n’est sans doute pas la capitale mondiale du vélo qu’elle projetait de devenir en 2015 lorsqu’elle se dotait d’un plan vélo déjà très ambitieux budgété à 150 millions d’euros, mais elle poursuit une politique qui ne cesse de s’étoffer depuis 1995 et l’historique plan vélo de Jean Tibéri, qui avait mené à créer plus de 250 km de pistes cyclables en six ans. Après plusieurs poussées, la crise sanitaire semble avoir effectivement vaincu les dernières résistances. Le vélo à Paris est plébiscité et fait consensus. La mairie de Paris peut mettre 250 millions sur la table (ou plutôt sur les pistes) et enfoncer le clou. L’objectif n’est plus de promouvoir la pratique, mais de faire de Paris une « ville 100 % cyclable ».
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Paris la joue collectif
La stratégie de la nouvelle équipe municipale et de David Belliard, adjoint à la maire de Paris en charge des transports, est de créer un choc de l’offre en mettant le paquet sur les infrastructures. Sur les 250 millions d’euros d’investissement prévus par le plan vélo 2021-2026 que David Belliard présentait à la presse ce 21 octobre, 180 millions (72 %) sont consacrés aux infrastructures cyclables et au stationnement. Pour le réseau viaire, cela veut dire 130 km de nouvelles pistes, 52 km de coronapistes pérennisées ainsi que 390 km de double-sens cyclables qui vont venir s’ajouter aux 60 km existants. C’est massif, mais l’essentiel est surtout que ce maillage est prévu pour s’intégrer dans un réseau plus large, pensé à l’échelle métropolitaine par la Métropole du Grand Paris et au niveau régional par le RER V. Alors qu’en matière de mobilités Paris est souvent critiquée pour faire cavalier seul, cette position intégratrice mérite d’être notée.
It’s the stationnement, stupid
Gros effort aussi pour le stationnement. Effectivement, c’est le hic. Laisser son vélo une nuit attaché dans Paris en pensant le retrouver le lendemain matin, c’est un peu comme offrir un bifteck à un lion en lui demandant de nous en laisser un morceau. La mairie de Paris a des chiffres sur la question : 6 631 plaintes pour vol de vélo déposées en 2020 (+7 % par rapport à 2019) ; 81 % des personnes qui renoncent au vélo à cause de la peur du vol. Donc du stationnement, encore du stationnement, toujours du stationnement : 130 000 nouvelles places avec 30 000 nouveaux arceaux (dont 1 000 pour les vélos-cargos). Paris veut aussi proposer des offres innovantes aux copropriétés (racks ou vélobox), investir les parkings automobiles (avec prises de recharge pour les vélos électriques), imposer les stationnements sécurisés aux nouvelles constructions (logements et bureaux) et créer des stationnements temporaires lors des grands événements (20 000 places déjà prévues pour les JO 2024).
Faire système
Autre enjeu : la sécurité des cyclistes et des piétons. Outre une multiplication des opérations de contrôle et un renfort de la sanction, les services de la mairie cherchent à recenser tous les points noirs de la capitale, devront s’employer à sécuriser les carrefours et les portes, mettront en place un nouveau jalonnement pour permettre aux cyclistes de mieux s’orienter et vont prioriser le nettoyage et le déneigement de la chaussée aux linéaires cyclables.
Enfin, Paris veut penser l’écosystème vélo, ce qui va de l’apprentissage (généralisation du « Savoir Rouler à vélo » dans toutes les écoles élémentaires parisiennes) à la pratique sportive (nouveaux parcours sportifs articulés avec des itinéraires métropolitains et régionaux) en passant par le soutien aux associations, les aides à l’écomobilité, la cyclologistique (création d’aires de chargement près des enseignes qui en font la demande) ou encore le cyclotourisme. Avec une fréquentation moyenne en hausse de +11 % en France en 2020 (par rapport à 2019), selon Vélo & Territoires, le cyclotourisme connaît effectivement un engouement très fort que les Assises du Tourisme Durable qui se sont tenues à Paris en juillet dernier ont pu souligner. Celles-ci ont ainsi fait naître plusieurs besoins comme l’installation de locaux vélos dans les hébergements touristiques, l’amélioration de la signalétique des quatre grands itinéraires cyclables qui traversent la capitale (Scandibérique, avenue verte London-Paris, véloroute La Seine à vélo et Véloscènie) et l’intermodalité.
À 10 millions près
S’il se place dans la continuité du précédent plan (2015-2020), ce nouveau plan vélo doit consacrer la bicyclette à Paris. Dès 2024, la municipalité projette « d’inverser les courbes », autrement dit de faire passer la part de déplacements en voiture sous celle des vélos (voir graphique). Un passage historique en simultané de la tenue des JO. Peut-elle y parvenir ? La part modale du vélo est à l’heure actuelle de 5,6 %, progressant de +4,3 % depuis 2001, selon les chiffres de l’Institut Paris Région. Soit une progression de +0,2 point par an, mais qui s’accélère nettement des dernières années. Pour dépasser les 9,3 % de part modale de la voiture, il va tout de même falloir faire le grand saut en progressant d’au moins +1,2 point par an.
Mais la mairie de Paris se rassure avec les chiffres de l’Ademe. L’agence gouvernementale de la transition écologique a en effet publié une très grosse étude en 2020 avec des chiffres plus qu’encourageants. Élaborant trois scénarios (tendanciel, de rattrapage et volontariste), ses auteurs ont calculé que dans le pire des cas (tendanciel), Paris pourrait atteindre 19,6 % en 2030 ! Sous certaines conditions toutefois : poursuite des infrastructures, poursuite des équipements se stationnement, augmentation de la part des Vélos électriques et un budget d’investissement de 20 euros par an par habitant. Avec 2 161 millions d’habitants à Paris, faisons le compte… Environ 260 millions d’euros sur 6 ans. À 10 millions près, le budget prévu par la mairie. Un hasard ?