Mis à jour le mardi 4 août 2020 by Olivier Delahaye
Unique candidat pour diriger le syndicat d’élus qu’il a intégré en 2010, le président du Conseil général des Hauts-de-Seine en a inévitablement pris la tête. Devenant ainsi son plus grand laudateur. Mais il doit de fait assurer la mise en orbite de la Métropole du Grand Paris, « une usine à gaz » qu’il dénigra autrefois.
Adoubé à 100% par ses pairs (deux abstentions – unanimité ? quasi-unanimité ?), l’homme que l’on soupçonnait parfois de vouloir dynamiter de l’intérieur le syndicat mixte Paris Métropole ou bien de l’instrumentaliser en est devenu ce vendredi 19 décembre le sixième président, en fonction le 1er janvier 2015.
Depuis plusieurs jours, le suspense était tout sauf hitchcockien. Patrick Devedjian était le seul candidat de droite déclaré. Or, la présidence de Paris Métropole se veut tournante : un coup à gauche, un coup à droite. Le président sortant étant un élu socialiste – Daniel Guiraud, maire des Lilas -, Patrick Devedjian avait un boulevard métropolitain devant lui. Son élection unanime est donc à relativiser.

Le converti
Lors de la conférence de presse qui a suivi son élection, Patrick Devedjian n’a pas hésité à employer une terminologie religieuse pour qualifier son entrée en fonction : « J’ai dit à Daniel (Guiraud) que j’ai bien compris en regardant ce qui lui était arrivé que la présidence etait une ascèse, et donc je m’y apprête. » Le président du puissant Conseil général des Hauts-de-Seine a pu dire tout le bien qu’il pensait de Paris Métropole : « Il ne s’agit pas d’un petit comité obscur, mais de la représentation démocratique réelle de 6,7 millions d’habitants, d’une totale diversité politique et d’une expression extrêmement vivante d’élus confrontés aux problèmes du quotidien. » Pour celui qui, en 2009, avait organisé une réplique à Paris Métropole en créant IDF Métropole (association mort-née l’année suivante lorsque Nicolas Sarkozy avait voulu l’inclusion de Paris Métropole dans la construction du Grand Paris), la conversion est totale : « Chacun d’entre nous, moi y compris, a pu mettre le boisseau sur un certain nombre de ses tropismes, on n’a jamais raison tout seul. » Il voit même dans la motion votée par le Conseil des élus de la mission de préfiguration le 8 octobre dernier une « deuxième naissance de Paris Métropole, car cela a changé l’esprit. » Un nouveau cycle dont il prend les rênes, donc.
Contradictions
Jusqu’où ira cette conversion ? Le personnage, plutôt bravache, porte des convictions jusque là hostiles à la métropole du Grand Paris tel qu’elle se construit. Les principes qui la guident furent en effet déterminés par deux grandes crises qui la secouent depuis des années : crise du logement, ségrégation des territoires. La réponse métropolitaine tenderait à vouloir construire et densifier pour répondre à la première et à instaurer une solidarité financière pour pallier à la seconde. Mais pour Patrick Devedjian :
« Paris et la petite couronne, c’est le territoire le plus dense de toute l’Europe, deux fois plus dense que Londres. Or, qu’est-ce qu’on nous explique ? Qu’il faut construire 70 000 logements par an, là où on n’en construit même pas la moitié ! Qu’il faut encore densifier ? La population ne veut pas, elle est très hostile à la densification. Et ce que nous prépare la métropole, c’est le retour au pouvoir de ces gens-là qui pendant cinquante ans ont conduit une politique désastreuse et irréaliste » (in La Tribune).
Et sur la solidarité : « Lorsque l’on veut offrir, par exemple, la gratuité des transports aux chômeurs, ou aux bénéficiaires de minima sociaux, cela a un prix. Ce sont là des choix politiques que notre département n’a pas effectués. Chacun a le droit de mener ce type de politique. Mais il faut le financer, et non le faire financer par les autres. Il semble tout de même anormal que les contribuables des Hauts-de-Seine financent des prestations sociales qui sont distribuées en Seine-Saint-Denis et qui ne sont pas délivrées dans les Hauts-de-Seine… J’y vois une injustice. » (in Le Journal du Grand Paris).
Défendre un principe métropolitain (« Je suis favorable à la métropole ») tout en gouvernant les Hauts-de-Seine (Patrick Devedjian est candidat à sa succession pour les cantonales de mars prochain) ne va pas être simple.
Enjeux 2015
D’autant, que devenu président de Paris Métropole, le voilà aussi propulsé co-président de la mission de préfiguration avec le préfet d’Île-de-France Jean Daubigny. Pour une année 2015 plutôt chargée : définir le projet métropolitain – « en y introduisant la question des compétences »-, établir la relation avec la grande couronne – « Un sujet d’autant plus complexe qu’il implique aussi la relation avec la Région »-, lancer la Métropole au 1er janvier 2016 – « C’est un défi » – et surtout, première tâche : venir enfin à bout de la loi qui doit porter création de l’institution métropolitaine.
Suite à sa motion du 8 octobre, la mission de préfiguration a obtenu des retours divergents de la part du gouvernement sur la question des ressources fiscales des territoires : « Manuel Valls nous a confirmé qu’il n’y avait pas de ligne rouge sur cette question », selon Patrick Devedjian. La ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu s’étant exprimée en sens inverse le 5 décembre, en déclarant quelle n’était toujours pas favorable à ce que les dits territoires puissent lever l’impôt. On devrait avoir une réponse un peu plus claire le 10 janvier, date à laquelle le gouvernement, sur la base du travail de la mission, doit déposer un amendement censé rectifier la loi MAPTAM dans le cadre d’un nouveau texte, la loi NotRe (Nouvelle organisation des territoires de la République).
Sous haute surveillance
Face à ces contradictions gouvernementales et en prévision des futurs travaux parlementaires, Patrick Devedjian ne demande « rien d’autre que la règle générale qui a prévalu à la création des autres métropoles. » Autrement dit : « un processus élaboré par les élus de la métropole parisienne. » Dut-il prendre du temps : « J’ai bien conscience que ça ne se fera pas en un an, la métropole est une affaire de longue haleine. » Pendant un an, en tout cas, il devra conduire ce processus tout en étant parfois en opposition avec ce qui le meut, et être garant de l’esprit de Paris Métropole fondé sur « le compromis et l’intelligence collective », selon les mots de Daniel Guiraud. « On sera là pour le lui rappeler », commentait Daniel Breuiller, maire EELV d’Arcueil. « Nous serons tous vigilants », poursuivait le maire UMP de Rueil-Malmaison, Patrick Ollier. Unanimité, mais haute surveillance.