Mis à jour le dimanche 19 février 2023 by Olivier Delahaye
Entretien avec Véronique Levieux, adjointe à la Mairie de Paris en charge des seniors.
INTERVIEW. Véronique Levieux est adjointe à la Maire de Paris en charge des seniors et des solidarités entre les générations. Faisant le point sur les actions de la Ville en matière d’habitat pour les plus âgés, elle annonce notamment une concertation publique à l’automne des seniors parisiens.
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Vous êtes en charge des seniors depuis la nouvelle mandature de 2020. Qu’est-ce qui vous a le plus frappé quand vous avez démarré cette fonction ?
J’ai été nommée adjointe en charge des seniors en juillet 2020, au sortir de la première vague de la Covid-19. Ce qui m’a le plus marqué, dès cet instant, c’est l’engagement sans faille de toutes celles et tous ceux qui travaillent quotidiennement auprès des personnes âgées, que ce soit au domicile ou dans des établissements d’hébergement. De l’auxiliaire de vie à l’infirmière, en passant par les gardiens de résidence, de l’aide-soignante au médecin coordonnateur, sans oublier les agents d’entretien ou de restauration, ainsi que toutes les personnes qui ont permis la continuité de la prise en charge des seniors, chacun s’est donné corps et âme. De nombreuses vies ont été sauvées grâce à leur engagement, je tiens à leur rendre ici un hommage appuyé.
Depuis 2012, Paris s’est dotée d’un schéma en direction des seniors. Quels sont les bilans des deux premiers (2012-2016 ; 2017-2021) ? Quelles seront les grandes lignes du prochain ?
Le premier schéma 2012-2016 avait notamment permis :
1) L’augmentation significative du nombre de places d’hébergement sur le territoire parisien : 1 930 places d’EHPAD ont été créées sur cette période, ainsi que 105 places en Centre d’accueil de jour (CAJ). Le Centre d’action sociale de la Ville de Paris (CASVP) avait lancé à cette occasion une importante démarche de construction et restructuration de ses EHPAD pour un total de 632 places supplémentaires, portant le nombre de places publiques à 2 119 sur 8 000 places tous secteurs confondus.
2) La simplification et la modernisation de l’APA avec la mise en place de la télégestion pour les services d’aide à domicile.
3) La mise en œuvre de mesures visant à réduire les inégalités d’accès aux dispositifs de soutien à la vie au domicile des publics vulnérables, tels que les personnes sans domicile fixe, les seniors isolés ou encore les individus souffrant de troubles psychiatriques.
4) Un effort important d’amélioration de la coordination des acteurs et de travail en réseau des professionnels, avec notamment la création des Maisons des Aînés et des aidants.
Concernant l’actuel schéma 2017-2021, nous sommes en train d’en faire le bilan, bilan au sein duquel la crise sanitaire occupera une place forcément très particulière. S’agissant du prochain schéma qui couvrira la période 2022-2026, nous commençons à y travailler : nous lancerons à l’automne une vaste concertation des seniors parisiens afin de réfléchir et travailler avec eux à des pistes d’action.
Nous nous sommes fixé l’objectif de rénover 5 000 logements du parc social par an jusqu’en 2026.
Véronique Levieux
Quels sont les enjeux que vous avez identifiés sur Paris concernant l’habitat des seniors ? Existe-t-il des urgences selon vous ?
Le principal enjeu est de permettre à chacune et à chacun de rester vivre chez soi, à Paris, quels que soient son âge et son degré d’autonomie. Le logement social occupe ainsi une place centrale, et c’est l’une des raisons pour laquelle la Ville de Paris porte un ambitieux programme en la matière qui est complété par un important parc de résidences appartements et de résidences autonomie géré par le CASVP. Dans ce contexte, nous devons continuer d’agir pour adapter les logements à l’avancée en âge. Pour y parvenir, nous nous sommes fixé l’objectif de rénover 5 000 logements du parc social par an jusqu’en 2026.
Priorisez-vous le « maintien à domicile » plutôt que les établissements ?
Le maintien à domicile et les établissements constituent deux formes d’accompagnement qui doivent pouvoir agir en complémentarité. Je suis en effet convaincue que les établissements seront toujours nécessaires pour prendre en charge les personnes âgées les plus en perte d’autonomie et les plus isolées. Nous devons à ce titre œuvrer rapidement et collectivement à la construction de « l’EHPAD du futur », afin d’en faire des acteurs pivots ouverts sur leur territoire et d’abolir la dichotomie entre domicile et établissement.
Nous nous apprêtons à expérimenter à Paris des solutions « d’EHPAD hors les murs », visant à accompagner des seniors à domicile, en lien avec les différents acteurs du territoire, et ainsi constituer une forme d’accompagnement à mi-chemin entre le domicile et l’établissement.
Par ailleurs, nous soutenons activement les nouvelles formes de vivre à domicile qui ont émergé ces dernières années, qu’il s’agisse d’habitat partagé, inclusif ou intergénérationnel. Nous avons récemment inauguré, avec la RIVP, Basiliade et Grey Pride, une colocation pour séniors LGBT+ dans le 9e arrondissement de Paris.
À Paris, le taux d’équipement en EHPAD est de 30 pour 1 000. C’est quatre fois moins que la Seine-et-Marne. C’est trois fois moins que la moyenne nationale. À quelles difficultés la capitale est-elle confrontée pour que ce taux soit si bas ?
Nous avons engagé depuis 2001 un important rattrapage du nombre de places en EHPAD à Paris, comme en témoignent les chiffres précédemment évoqués. Toutefois, la comparaison de 30 places pour 1 000 n’est pas le seul indicateur qui doit nous guider dans la mesure où les 177 000 Parisiens de plus de 75 ans ne sont pas tous en situation de perte d’autonomie et n’intégreront pas tous un EHPAD, qui n’est qu’une solution de prise en charge parmi d’autres. Néanmoins, nous sommes évidemment toujours soucieux de créer des places, comme en témoigne l’EHPAD Sara Weil-Raynal que nous venons de réhabiliter, où cinq places supplémentaires ont pu être créées.
Dans une étude de 2018, l’APUR pointait du doigt la problématique de la transition entre EHPA et EHPAD. Où en est-on ?
Ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui dans les résidences autonomie (23) et les résidences appartements (106) de la Ville de Paris, le suivi des résidents est permanent et assuré par l’ensemble des professionnels intervenant auprès d’eux, du gardien à l’infirmière, en passant par l’auxiliaire de vie. En cas d’aggravation de la perte d’autonomie, ce suivi est renforcé et peut conduire, si nécessaire et si souhaité, à une admission dans un EHPAD. Dans ce cas, tout est fait pour que la transition soit la plus simple possible pour la personne âgée et son entourage.
Nous avons le souhait de proposer à tous les Parisiens, au moment de leur 70e anniversaire, un bilan social personnalisé avec une forte composante dédiée à l’adaptation du logement
Véronique Levieux
Il existe de nombreuses aides et de nombreuses initiatives concernant l’habitat pour les seniors. Est-ce qu’il ne serait pas pertinent de mettre en place un guichet unique pour s’y retrouver ?
Beaucoup de dispositifs existent, mais trop peu sont connus du grand public. Cette problématique constitue un réel enjeu d’accès au droit et de prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées. Nous avons ainsi le souhait de proposer à tous les Parisiens, au moment de leur 70e anniversaire, un bilan social personnalisé avec une forte composante dédiée à l’adaptation du logement – le principe serait de faire intervenir des professionnels au domicile des seniors afin de définir les adaptations nécessaires et le cas échéant faciliter l’accès aux aides correspondantes.
Pour vous, qu’est-ce que bien vieillir à Paris demain ?
Bien vieillir à Paris, c’est penser la ville dans une logique d’inclusion et de considération. Cela passe notamment par un changement de regard de la société sur les personnes âgées. On a en effet trop souvent tendance à résumer l’avancée en âge à la seule dépendance, alors que 80 % des seniors vivent en bonne santé. Ainsi, le bien vieillir, c’est aussi favoriser la participation des seniors à la vie de la cité, dans des associations ou des instances de démocratie locale. C’est renforcer le lien social et la solidarité intergénérationnelle, ce que nous faisons notamment par l’entremise de Paris en compagnie.
Bien vieillir à Paris, c’est plus généralement faire que toutes les composantes de notre action à l’attention des Parisiens – qu’il s’agisse de l’animation culturelle et sportive du territoire, de la vie citoyenne, du logement, de l’espace public, des mobilités … – prennent en compte les attentes des personnes âgées.