Périphérique : la transformation ou la lutte ?

Mis à jour le jeudi 19 mai 2022 by Olivier Delahaye

À la suite d’un processus de concertation, la Ville de Paris a révélé ce 18 mai son programme de reconquête urbaine du périphérique. La Région Île-de-France a vite réagi en indiquant vouloir un débat public à ce sujet.

Boulevard périphérique Paris
Crédit : Shutterstock

Lors d’une conférence de presse ce mercredi 18 mai, la mairie de Paris a annoncé le lancement d’une vaste transformation du boulevard périphérique. Baptisé « De la ceinture grise à la ceinture verte », ce plan vise trois objectifs : garantir une meilleure qualité de vie ; lutter contre le réchauffement climatique ; réduire la pollution automobile.

Le monstre

Paris verdit, et veut verdir encore. La couronne de béton de 35 km qui cerne la capitale et défigure les villes qui la touchent lui devient insupportable. Il faut dire qu’il concentre un certain nombre de nuisances. Il est accidentogène (malgré la réduction de la limitation de vitesse à 70 km/h), il est bruyant, il est infranchissable, il est pollué, et pour certains il est laid. Selon la mairie de Paris, dans 90 % des sites alentour, les limites sonores définies par l’Union européenne. Alors qu’Airparif note une légère amélioration générale de la qualité de l’air en Île-de-France, le périphérique, lui, continue à dépasser tous les seuils recommandés par l’OMS et serait pour 33 % dans les émissions d’oxydes d’azote et de particules fines PM10.

Le périph’, objet d’études

La Ville de Paris souhaite donc s’attaquer au monstre. Elle se place pour cela dans un continuum de réflexion, de projet et d’action. Dès le début des années 2000, des études furent lancées sur la requalification du périphérique et de ses abords. Y apportant une large contribution, l’Apur écrivait ainsi en 2005 : « La démarche s’inscrit dans une dynamique plus large, avec plus de 60 projets menés par Paris et par les communes limitrophes. Le processus de renouvellement urbain qui se met en place transforme la Couronne en un lieu structurant pour le cœur de l’agglomération. » Plus récemment, en 2018, une consultation internationale lancée par feu le Forum métropolitain du Grand Paris avait abouti à des travaux visionnaires de la part de quatre équipes pluridisciplinaires. Dans le cadre des « Routes du futur du Grand Paris », elles imaginent alors un périphérique devenu simple boulevard habitable, végétalisé, bordé de trottoirs, pacifié.

Couvert ? Pas couvert ?

Hantées par les élections municipales qui approchent, plusieurs personnalités politiques profitent de ces « Routes » pour chevaucher le sujet. Le candidat Gaspard Gantzer n’imagine rien d’autre que de le raser. Présidente de la Région, Valérie Pécresse s’invite dans la campagne et dans la polémique en reprenant l’idée de Nathalie Kosciusko-Morizet de 2014 de le couvrir en quasi-totalité. L’idée n’est pas neuve. Inscrite au Contrat de plan État-Région 2000-2006, la couverture partielle du périphérique a permis aux portes de Vanves et des Lilas de constituer de véritables espaces urbains. Au début des années 2010, la mairie de Paris a ensuite lancé son projet de forêt linéaire aux abords du périphérique dans le 19e arrondissement. « La transformation du boulevard périphérique a donc déjà commencé », comme le dit l’Institut Paris Région, qui a lui-même mené une étude en 2019 dans le cadre de la révision du SDRIF. L’IPR conclut alors : « A court ou à moyen terme, une transformation du boulevard périphérique en boulevard urbain apparaît très complexe en termes de travaux publics du fait de son profil dont l’insertion est variable dans le territoire (en remblai, en viaduc, en tranchée) et des impacts sur les circulations dans la métropole. »

Projet Ville de Paris Périphérique Gentilly
Le projet de transformation en deux étapes du boulevard périphérique à Gentilly. Crédit : Ville de Paris

Ceinture verte

La Ville de Paris n’évoque pas ce terme de boulevard urbain et préfère parler de ceinture verte. Comme la plupart de ses projets urbains aujourd’hui, elle a scindé celui-ci aussi en deux temps : pour les Jeux olympiques et après les JO. À l’horizon 2024, il s’agit donc de mettre en place de nouvelles règles de circulation avec une voie « olympique » dédiée aux bus, taxis et covoiturage, d’achever la transformation de 5 portes en places (Clichy – La Chapelle – Brancion – Dauphine – Maillot), d’entamer celle de plusieurs autres portes (Montreuil, Saint-Cloud, Saint-Ouen, Clignancourt, Orléans) et d’intensifier la végétalisation par la plantation de 50 000 arbres.

Entre 2024 et 2030 ensuite, le projet vise la normalisation du boulevard avec une réduction du nombre de voies de circulation, la transformation de 7 autres portes et la végétalisation de 10 hectares de voies.

Rocade des luttes

La partie n’est pourtant pas gagnée pour la mairie, les adversaires ont sorti les canifs. La préfecture de police a dégainé la première en annonçant qu’à ce jour seul le principe d’une voie olympique avait été validé par les services de l’État et que tout autre projet devra lui être présenté. De son côté, Valérie Pécresse, qui avait demandé en 2021 à l’État de reconsidérer cette artère comme une infrastructure régionale et non municipale, a réagi promptement dans un communiqué : « La Ville de Paris ne peut s’entêter à faire cavalier seul sans à aucun moment évaluer les conséquences d’un rétrécissement définitif du périphérique sans solutions alternatives crédibles pour les déplacements en Île-de-France. » Et d’indiquer qu’elle allait saisir « sans délai » la Commission nationale du débat public à ce sujet. « La Région Île-de-France veut qu’une vraie concertation soit enfin organisée sur l’avenir de ce projet incluant toutes les personnes concernées, usagers et riverains, milieux économiques et associations, sur la base d’une étude d’impact complète et sincère, car cette infrastructure est d’intérêt régional et national. » Ça promet.

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