Mis à jour le lundi 3 août 2020 by Olivier Delahaye
Choisir un nom relève donc d’un acte bien plus conséquent qu’il n’y paraît. Nommer un territoire permet de transférer et d’afficher ce que l’on souhaite investir comme valeurs. Le processus pour choisir le nom d’un nouvel espace qui vise à « réunir dans un même lieu » (écoles, places ou bâtiments d’une ville ; intercommunalités ou futures régions) doit être réfléchi et travaillé.
Un nom de lieu, un toponyme, fonctionne comme un système complexe qui relie une notion de délimitation géographique, mais également administrative, institutionnelle, culturelle et se cristallise comme un blason sur un étendard.
Pour les « toponymes urbains », le choix du nom est une action pour rendre hommage, asseoir sa vision politique, transmettre des valeurs universelles, apolitiques, ou pour se référer à des moments d’Histoire, mais c’est également un moyen d’accorder au mieux l’activité du lieu et ce que véhicule le nom.
Aujourd’hui, nous voyons aussi l’essor d’une nouvelle tendance, qui conjugue économie et urbanisme, sous le nom – maladroit – de naming qui accole un nom commercial à un stade. Cette pratique de parrainage par le nom peine à s’installer en France, même si la pratique est grandissante dans les infrastructures sportives, ce serait principalement dû à la crise économique. On le voit encore aujourd’hui avec le futur stade de Lyon où le brainstorming se limite sûrement plus à des propositions financières qu’à une adéquation entre le nom et les valeurs que souhaite transmettre l’OL. Néanmoins, je ne pense pas que cette pratique aura le même succès que dans les pays anglo- saxons. Les Français restent « d’irréductibles gaulois » attachés à la tradition. Notre culture tend à allier Histoire, valeurs et lieux ; le marketing n’est pas encore reconnu comme élément légitime à figurer dans notre Patrimoine.
Pour autant, une métamorphose s’opère actuellement et il faut dorénavant accorder ces nouvelles tendances et veiller à une harmonie. Il est fini le temps où cohabitaient seulement la place de la mairie, l’école Victor Hugo et la rue de la république. Les territoires évoluent, s’étendent et les cartes sont aujourd’hui composées d’école Pierre Perret, de place Bob Marley, de bâtiments aux noms plus variés que Séquoia, le Regency… Comment gérer ces flux de nouveaux noms et ne pas s’y perdre, au sens propre comme au figuré ?
C’est aussi tout l’enjeu des futurs noms des nouveaux territoires régionaux : trouver l’équilibre pour que les nouvelles appellations soient le lieu de rendez-vous de plusieurs familles, aux cultures et à l’Histoire proches mais distinctes malgré tout.
Il ne faut pas prendre cette démarche à la légère et j’espère que les responsables régionaux s’appliqueront à mettre en œuvre des étapes de choix et de transitions réfléchies et élaborées. Choisir un nom clôture un cheminement, il symbolise l’achèvement et l’installation, magnifié généralement par une inauguration où l’on dévoile justement le nom. Ce processus est souvent sous- estimé et insuffisamment préparé.
Les méthodologies ne s’improvisent pas et les décisions – plus ou moins collégiales – ne suffisent pas toujours. Le nom est la mémoire de notre passé et la projection de notre futur. Le nom est le reflet d’un contexte géographique et socio-culturel, il doit s’intégrer autant dans l’existant que dans les projets futurs.
Nommer les nouveaux territoires est aujourd’hui une formidable opportunité de fédérer les habitants, et c’est le soin accordé à la méthode qui sera gage de réussite, comme il l’est pour le choix d’un nom pour une nouvelle école, un nouveau square et toute autre entité territoriale.
Bénédicte Laurent
Fondatrice de Namae Concept
Docteur en linguistique