Mis à jour le mardi 4 août 2020 by Olivier Delahaye
La géothermie représente une formidable ressource en énergie renouvelable pour l’Île-de-France. D’Arcueil à Noisy-le-sec, on creuse. Dans les Hauts-de-Seine, Bagneux espère chauffer 70% de sa population grâce à son réseau de chaleur.
« Drill, baby, drill ! » La devise des chercheurs de pétrole américains pourrait s’appliquer à l’Île-de-France, à condition de remplacer l’or noir par l’or bleu. Car sous les pieds des Franciliens, il n’y a (presque) pas de pétrole, mais beaucoup d’eau chaude et même très chaude. En forant à 2 000 mètres de profondeur dans le gigantesque aquifère du Dogger – un nom qui désigne le Jurassique moyen, époque de formation de cette nappe de 4 milliards de mètres cube -, on fait remonter une eau à 65 °C. Avec l’appoint d’une pompe à chaleur, on obtient même une eau brûlante, à 80 °C !
Bagneux fore jour et nuit
Ces qualités géothermales du sous-sol du bassin parisien sont connues depuis longtemps, ont été exploitées pendant les années 1970 et 1980, plus ou moins abandonnées ensuite puis relancées depuis 2007 et le Grenelle de l’environnement. Témoin de ce très fort regain d’intérêt, un forage est actuellement mené jour et nuit à Bagneux, dans les Hauts-de-Seine. L’objectif est d’atteindre en quelques semaines le fameux Dogger et d’alimenter à partir de 2016, des milliers de logements, entreprises, équipements publics. Il faudra aussi pour cela construire un réseau de chaleur, un circuit sous-voirie de 12 km qui reliera immeubles, maisons et bâtiments à la centrale d’eau chaude.
In fine, la ville espère que 30 000 habitants, soit 70 % de la population totale, pourront se chauffer au Dogger. Ce qui suppose quand même que les raccordements soient décidés par les futurs bénéficiaires. Mais le suspense n’est pas insoutenable. Bagneux compte 68 % de logements HLM et la balle est donc dans le camp des bailleurs sociaux plus que dans celui des habitants eux-mêmes. Le suspense est d’autant moins fort que le prix de cette chaleur dite renouvelable bénéficie d’une TVA à 5,5 % et qu’en plus, l’opération est soutenue à hauteur de 6,7 millions d’euros par la région Île-de-France et l’Ademe. Donc, les raccordements auront bien lieu.
Une réponse à la précarité énergétique
Reste que l’équilibre économique d’un tel projet, qui coûte la modique somme de 34 millions d’euros, n’est pas simple. Initialement, lors de l’appel d’offres, le prix du chauffage géothermal avait été fixé à – 5 % par rapport au coût moyen de chauffage par foyer. Mais depuis lors, le cours du baril s’est un peu effondré et le différentiel sera sans doute plus dur à maintenir, au moins à court terme. Ce qui n’est pas l’horizon du projet. La société exploitante, Dalkia (EDF), via sa filiale Bagéops créée pour l’occasion, bénéficie ainsi d’une délégation de service public sur trente ans.
Pour sa part, la maire de Bagneux, Marie-Hélène Amiable, met en avant les avantages écologiques – 15 000 tonnes de CO2 en moins chaque année, soit la pollution de plusieurs milliers d’automobiles – et sociaux : la géothermie garantit un prix d’énergie stable et si l’on parie sur l’inflation de celui du pétrole, cette ressource 100 % locale devrait manifester d’excellentes intentions à l’égard du budget des ménages résidents, tout en créant des emplois. Ce qui justifie largement, selon Marie-Hélène Amiable, un investissement à hauteur de 3 600 euros par foyer.
Objectif 500 000 logements pour 2020
L’Île-de-France est la terre de prédilection de la géothermie profonde, née à Paris… au début du XIXe siècle. Selon l’Ademe, la région affiche la plus grande densité d’opérations au monde ; 36 « doublets » (puits double, de production et réinjection) y ont été forés, dont onze depuis 2007. Le tout permet d’alimenter près de 200 000 équivalents-logements. L’objectif pour 2020, fixé en 2010, est de 500 000 logements. Au rythme actuel, l’objectif a de bonnes chances d’être atteint.
Hormis Bagneux, plusieurs opérations sont en cours, sous l’égide du Sipperec, le syndicat francilien de l’énergie (107 collectivités membres). À Arcueil et Gentilly, les puits sont terminés et la centrale est en cours de construction. A Rosny-sous-Bois et Noisy-le-Sec, le forage débute en janvier. Grigny et Viry-Chatillon ont pour leur part créé une société publique locale avec le Sipperec, pour aller chercher de l’eau chaude sous leurs pieds. L’opérateur principal de toutes ces installations est Dalkia (avec 22 « doublets), suivi par Cofely (GDF Suez). Dans les années qui viennent, les forages pourraient même s’intensifier. Selon l’Ademe, une cinquantaine de communes présentent ue profil favorable, auxquelles il faut ajouter une dizaine de réseaux de chaleur intercommunaux convertibles.