Sortir le Grand Paris de sa bulle

Mis à jour le dimanche 16 mars 2014 by Olivier Delahaye

OPINION. On n’entend qu’eux. Le Grand Paris a été confisqué par les acteurs économiques et politiques. Au point que le terme est devenu indissociable d’attractivité, de compétitivité, de luttes politiques et de basses œuvres. S’il en reste là, le Grand Paris est mort. Une simple division dans les multinationales pour en capter les enjeux et les potentiels. Guère plus. Le Grand Paris semble être devenu quelque chose d’énorme, mais il est surtout le fruit des projections de ceux qui aimeraient en profiter. Et le plus vite possible. C’est un monstre marin qu’un certain nombre de fervents adorateurs jure avoir vu, mais dont il n’existe aucune preuve de la réalité. Sa réalité ne sera visible que dans les yeux de ses habitants, dans les marches populaires et les mouvements de foule. Le Grand Paris doit être pris d’assaut par ses citoyens, sa société civile, ses extrêmes, ses masses silencieuses, ses gentils et ses méchants. Il doit sortir des griffes des ambitieux, des aparatchiks et des lobbies. Il doit passer dans le domaine public. Sans attendre 50 ans.

Sujet de travail incessant et harassant d’une poignée d’experts qui le détestent par ailleurs parce qu’ils en ont été faits prisonniers, le Grand Paris doit être liquidé (pour les sauver, au moins). Au plus vite. Ou saisi (comme on saisit un steack, radicalement) par ses forces intérieures. Car il fait peine à voir. Il est la partie rutilante et émergée d’une obsession urbaine que l’on pourra bientôt comparer aux bulles financières ou immobilières. Cette obsession tourne en rond dans les cages dorées des colloques sentencieux, d’experts en experts, les mêmes, toujours, qui font miroiter aux entrepreneurs le sourire féroce d’un avenir radieux. Pour eux, surtout. Ou pas. L’obsession s’alimente, se bouffit, mange de l’obsession, tel M. Creosote, l’énorme client du restaurant dans « Le sens de la vie » des Monthy Python. La bulle va exploser ou se dégonfler. Bientôt, plus personne n’y croira. Le Grand Paris n’est pas une ville. Cela peut être une idée. Comme chacun à la sienne, c’est devenu une multitude d’idées. L’ennui est qu’une idée dominante est en train de prendre tout l’espace. Relayée sans cesse par les milieux de pouvoirs, elle devient la doxa, emplit la coquille vide du Grand Paris pour l’habiter entièrement et parvenir, en un tour de main, en un retournement subtil et forcé, à faire croire qu’elle est le Grand Paris. Il est plus que temps que d’autres l’occupent. La manipulent. La discutent. La contestent. L’obstruent. La transforment. Il est temps d’arracher le Grand Paris aux tentacules de la doxa. Et de penser qu’il peut s’agir d’une idée neuve. D’y mettre d’autres mots : cœur, personnes âgées, enfants, fragile, courage, lenteur, droit, plaisir…

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.