Mis à jour le mercredi 29 mai 2024 by Olivier Delahaye
C’est une première depuis 1925 et l’ouverture de la Cité U, boulevard Jourdan. Un siècle plus tard, Paris – devenu Grand Paris – va se doter d’un quartier universitaire international. Terre d’accueil : la Seine-Saint-Denis.
L’on put croire que l’Établissement public d’aménagement (EPA) Plaine-de-France prit au mot la secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, lorsque celle-ci déclara en 2013 : « L’accueil des étudiants et chercheurs étrangers dans notre pays est un enjeu majeur pour le rayonnement universitaire et scientifique de la France, mais aussi pour notre compétitivité et pour notre politique d’influence reposant sur la diffusion de notre langue, de notre culture et de nos valeurs à travers le monde. » Car cette même année, l’EPA lança une étude sur la faisabilité opérationnelle d’un nouveau quartier universitaire international au nord de Paris…
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Mais en fait, pas du tout. « Cela date de 2008, se souvient Damien Robert, directeur général de l’EPA Plaine de France. On travaillait alors sur l’aménagement des abords d’Aubervilliers et du canal Saint-Denis, avec l’idée de relier le Campus Condorcet au centre-ville d’Aubervilliers. C’est à ce moment que s’est posé la question de l’hébergement pour le Campus. En 2011, nous avons missionné des étudiants de Sciences Po pour phosphorer sur le sujet et nous nous sommes aperçus que l’on ne pouvait pas concentrer tous les étudiants à Aubervilliers. »
Un quartier dans la cité, et pas l’inverse
Le QUIGP, ou Quartier Universitaire International du Grand Paris, sera diffus. Il installera ses lieux d’hébergement de la porte de la Chapelle jusqu’au parc de la Légion d’honneur à Saint-Denis, essentiellement le long de ce qui pourrait devenir le prolongement de la ligne 8 du tramway vers le sud et la gare Rosa Parks. L’étude de faisabilité dont le rapport a été rendu en juillet 2013 parle même de concentration diffuse : « Ni monobloc fermé, ni saupoudrage, le Quartier International doit concilier enjeu de rassemblement et de répartition afin de favoriser la mise en synergie avec le territoire. » Il ne ressemblera donc pas à la Cité Universitaire (CIUP) au sud de Paris avec ses Maisons par pays et son ambiance paysagère. « La Cité U a beaucoup de vertus, dit Damien Robert, mais au sein d’un modèle très particulier, d’une localisation spécifique et pas forcément réplicable. Elle est fermée alors que nous souhaitons quelque chose d’ouvert. » Si l’on reprend les modèles universitaires que décrit Laurent Chalard, la Cité U ressemblerait au campus américain tandis que le QUIGP tendrait vers la conception européenne avec une ouverture sur la ville.

L’ambition ici est en effet de faire profiter le nord parisien et le territoire de Plaine Commune où il s’installera des bénéfices d’un quartier étudiant : « Ce territoire a beaucoup de potentiel, explique Damien Robert, mais il souffre encore d’une image écornée parce que peu diversifié. Si l’on parvient à mixer les usages, à faire profiter les habitants des équipements et des services que supposent le QUIGP, on pourra en tirer un changement puissant en termes d’image. » Même topo pour les étudiants qui vivent cette portion de Seine-Saint-Denis comme un territoire de transit. À un bout du T8 (dont la mise en service est prévue pour le 16 décembre), l’université de Villetaneuse est repliée sur elle-même, dépourvue d’aménités. En créant les conditions d’un logement de qualité (soit une offre diversifiée allant du studio à la parahôtellerie) et d’une véritable animation urbaine, ses étudiants feraient peut-être autre chose que s’enfuir vers Paris. « Le logement habituel, type CROUS, manque de services associés, précise Damien Robert. Il faut lui adjoindre de la restauration, des commerces, des espaces de rencontre avec les entreprises, une offre culturelle et sportive… »
QUIGP, les chiffres
5 000 logements
10 000 étudiants accueillis
20 000 m2 d’équipements ouverts aux habitants
330 millions d’euros d’investissement
3 sites complémentaires : la Plaine Saint-Denis, Pleyel, Porte de Paris
Un quartier pour la métropole
De son côté, le contrat de développement territorial (CDT) de Plaine Commune, baptisé « Territoire de la Culture et de la Création », l’a bien inscrit au titre de ses grands projets : « La population étudiante est particulièrement impliquée dans la vie culturelle et recèle un fort potentiel de créativité. Ce quartier universitaire international répondrait donc parfaitement à l’objectif d’hybridation des populations du Territoire de la Culture et de la Création », dit-il.
Puis, plus loin : « Il sera le pendant de la CIUP du boulevard Jourdan. Mais son rayon d’influence est bien le territoire métropolitain du Grand Paris. »
Ce que confirme à sa manière Damien Robert : « Avec le futur hub de transports à Pleyel, nous serons à une demi-heure de toutes les universités franciliennes, excepté Saclay qui a ses propres projets de résidences étudiantes. » Un quartier universitaire pour la métropole donc qui, en retour, doit faire rayonner Plaine Commune. Tel est le deal.
Pour les acteurs impliqués dans le projet (EPA Plaine de France, Plaine Commune, mais aussi le ministère de l’Enseignement supérieur, la Région Île-de-France, la Mairie de Paris…), l’accueil des étudiants étrangers en mobilité internationale représente un enjeu majeur de l’attractivité du Grand Paris. « Ce sont des ambassadeurs de la France, dixit Damien Robert. La mobilité internationale des étudiants est en pleine explosion. Or, notre part sur ce marché se réduit, car les étudiants n’arrivent pas à se loger. » La dernière étude du magazine L’Étudiant sur « Les villes françaises où il fait bon étudier » le confirme : en ce qui concerne le logement, la métropole parisienne pointe à la dernière place sur 40 villes répertoriées. En juillet dernier, Geneviève Fioraso annonçait la construction, d’ici fin décembre 2017, de près de 43 000 logements étudiants en France dont près de la moitié (19 342) pour une région francilienne sinistrée en la matière. Le QUIGP y apportera sa quote-part, mais un peu plus tard puisque les premières résidences ne devraient ouvrir qu’en 2020. Reste que sur les 5 000 logements prévus, combien concerneront les étudiants « locaux » qui ont tout autant de mal à se loger ? « Un tiers », répond Damien Robert.
Au final, le QUIGP peut se présenter sous l’équation suivante :
un besoin pressant de logements étudiants + un enjeu d’attractivité internationale + un positionnement stratégique de Plaine Commune + du foncier disponible au nord de Paris + un effet d’aubaine avec le Campus Condorcet = le premier quartier universitaire international depuis 1925.
QUIGP, les dates
2011 : mission exploratoire de Sciences Po
2013 : étude de faisabilité opérationnelle
2014 : comité de pilotage métropolitain validant le projet
2015 : signature d’une charte partenariale
2015-2016 : premières acquisitions foncières
2016 : création d’une structure QUIGP dédiée
2020 : ouverture des premières résidences
[…] majoritairement résidentiel comprenant des logements étudiants répondant aux besoins du QUIGP (Quartier Universitaire du Grand […]