Mis à jour le jeudi 14 mars 2024 by Olivier Delahaye
Entretien avec Bryan Piscou, Head of Revenue et Event Manager chez Autonomy Paris.
INTERVIEW. Pour la troisième année consécutive, Grand Paris Métropole est partenaire d’Autonomy Paris, qui est passé du salon des micromobilités à celui de la mobilité décarbonée. Bryan Piscou nous explique les raisons de cette… transition, un terme à double sens.
Quel bilan avez-vous dressé du salon 2023 ?
Cela a été un très bel événement, avec plus de 250 exposants. La première journée s’est très bien déroulée, elle a généré beaucoup d’interactions sur toutes nos agoras, notamment sur les thématiques dédiées aux mobilités douces au sein des villes. La seconde journée, en revanche, a été impactée par une grève des transports durant le mouvement social contre la réforme des retraites, et en a subi les conséquences en termes de visites. Post-édition, on peut relever aussi cette crise qui a affecté l’écosystème de la micromobilité. Un tiers de nos exposants a été touché, certaines start-ups ont fait faillite, d’autres sont parvenues à se consolider.
Cela explique-t-il que vous ayez délaissé les micromobilités cette année ?
On ne les délaisse pas, plusieurs entreprises de micromobilités sont toujours présentes. Notre choix est stratégique. Il s’agit d’étendre notre événement vers une dimension plus globale, qui est la décarbonation de la mobilité. Et cela implique de traiter des thématiques qui, en réalité, s’entremêlent ; que ce soit la décarbonation des flottes, celle des transports publics, la recharge électrique des véhicules, tout ceci lié à l’off-grid grâce aux énergies renouvelables comme le solaire. On va ainsi donner une large place aux conséquences de la loi sur les parkings qui prévoit l’obligation pour les parcs de stationnement extérieurs de plus de 1 500 mètres carrés d’être couvert en partie de panneaux photovoltaïques.
Cela donnera lieu à un événement à part ?
Cela donnera lieu à un événement à part. Il y en aura même trois. Sur le solaire et la batterie, donc ; sur les flottes et la mobilité d’entreprise ; et sur la transition du rail qui, malgré ce que l’on croit, n’est pas à 100 % électrique en France. Hormis le TGV, l’essentiel du réseau ferroviaire demeure alimenté par des énergies fossiles. Et c’est encore plus vrai hors de France, d’où notre parti-pris de nous associer avec Rail Europe pour ce sommet, afin d’avoir un rayonnement européen sur cette thématique. En Allemagne, par exemple, ce sont 90 % des trains qui sont toujours alimentés par des énergies fossiles. Il y a donc lieu d’avancer sur cette question, d’aller vers des transports ferroviaires plus verts et d’avoir une approche plus européenne en la circonstance.
Concernant le « Solar and Battery Summit », pensez-vous que la loi sur les parkings de mars 2023 va réellement changer la donne ?
Pas forcément d’emblée. Cela va prendre du temps. Notre vocation n’est pas d’être observateur, mais acteur du changement, de faire en sorte d’amener sur notre salon toutes les personnes concernées, grosses et petites entreprises, le retail, les centres commerciaux, les aéroports, les gestionnaires de parkings, etc. On veut les faire se rencontrer pour que, d’eux-mêmes, ils trouvent des solutions pour mettre en place cette transition vers le solaire. Notre but est que cet événement devienne central, un passage obligé pour tous les acteurs de cet écosystème.
Les centres commerciaux vont venir ?
On avance. Pour cette année, on a déjà deux aéroports qui seront présents, on a des contacts avec Unibail qui viendra sans doute en visiteur. L’idée est qu’ils commencent à comprendre ce qu’on veut faire, où on veut en venir.
Posséder une flotte 100 % thermique n’est plus vraiment dans l’air du temps
Quels enjeux avez-vous pu faire ressortir quant aux flottes de véhicules ?
Il y en a deux majeurs. Le premier c’est l’avènement du véhicule électrique. Ses ventes ont énormément progressé ces dernières années. Pour les gestionnaires de flottes et aussi pour les gestionnaires de parcs, cet afflux nécessite une adaptation, que ce soit sur la recharge de ces flottes, sur l’entretien des batteries, sur la capacité à intégrer différents types de véhicules électriques (plusieurs constructeurs intéressés par ce marché seront d’ailleurs présents). Il faut donc pouvoir accompagner ces flottes vers leur décarbonation. C’est là le deuxième enjeu. Certaines flottes ont déjà opéré le virage de la transition, d’autres non, malgré une volonté claire de décarboner, autant chez les professionnels que chez les utilitaires. Un exemple : les livraisons de type Amazon. Beaucoup de camions circulent. Il faut trouver une réponse à cela. L’électrique en est une, du type des camionnettes de Picnic, le supermarché en ligne. Mais l’idée générale est d’avancer sur la décarbonation des flottes des entreprises par tous les moyens. Pour elles, ce n’est d’ailleurs pas seulement un sujet environnemental, mais aussi une question d’image. Posséder une flotte 100 % thermique n’est plus vraiment dans l’air du temps.
Même si Autonomy n’est pas un salon grand public, est-ce que la question du coût du véhicule électrique pour le citoyen ne devrait pas y être abordée ? Après tout cela représente un véritable frein à son développement.
Le gouvernement a créé le leasing électrique pour faire face à ce défi. Il a ouvert une porte. Hélas, il l’a vite refermée. Pour notre part, nous sommes persuadés que malgré cette difficulté pour le consommateur, la transition va finir par se faire. Mais ce sont les entreprises qui doivent faire l’effort en premier. En passant de très grosses commandes, elles permettront des économies d’échelle pour que le consommateur puisse suivre. Et le salon est là justement pour accompagner les entreprises.
Un autre frein est la soutenabilité du réseau électrique…
Effectivement il existe un paradoxe. On veut tendre vers le tout électrique alors que l’hiver dernier on nous annonçait qu’on était face à des limites sur l’approvisionnement électrique. Ce double discours est compliqué pour tout le monde. Vers quoi veut-on aller au final ? Pour cette raison, nous faisons une large place au solaire, ce qui permet d’évoquer l’off-grid. Nous pensons chez Autonomy que cette piste est vraiment intéressante : la décentralisation du réseau électrique.