Vive le tram ! Ou, comment bout par bout, le tramway creuse son sillon dans le Grand Paris

Insertion urbaine du tramway T9 sur la route départementale 5 (image non contractuelle) - Crédit : Ingérop / Richez Associés

Mis à jour le lundi 31 janvier 2022 by Olivier Delahaye

Alors que le Grand Paris Express fait valser les milliards et tourner les têtes, le petit tram fait déjà de la ville son terrain de jeu. À la fin de cette année, il comptera tout de même 186 stations, 105 km de lignes et desservira 50 villes.

En une infographie, le Conseil régional d’Ile-de-France dévoilait mi-novembre sur son site l’importance grandissante prise par le tramway dans les transports franciliens. Un bout par ci, un bout par là, un développement un peu anarchique au départ mais qui commence à prendre sa cohérence en établissant peu à peu des liaisons au sein de son propre schéma et avec les autres transports en commun.

D’abord un T1 en 1992, un peu seul, qui se prolonge par à-coups – en 2017, Noisy-le-Sec sera ainsi relié à Val-de-Fontenay. Puis un T2. Un T3. Un T4… Aujourd’hui, nous en sommes à T8, inauguré d’ici la fin de l’année pour sortir Villetaneuse et sa faculté de leur enclavement. Surnommé T’Y à cause de son tracé en fourche, il reliera aussi Saint-Denis (à la porte de Paris) et Épinay. De l’autre côté de Paris, le T6 qui connectera en direct Viroflay à Châtillon en 40 minutes avec 82 000 voyageurs par jour à son bord sera mis sur rails le 13 décembre. Il accompagnera le développement en cours de Velizy-Villacoublay.

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Pendant ce temps là, du côté de Clichy…

Du côté de Clichy-Montfermeil, on attend avec une impatience maintenant datée le prolongement du T4 qui fait Aulnay-Bondy. Car, en accrochant Clichy à Aulnay, on l’accroche au RER B, à Bondy on l’accroche à Eole. Il y a déjà deux ans, Olivier Klein, le maire PS de Clichy-sous-bois nous expliquait le cercle vicieux dans lequel se trouvait sa ville, la démonstration est terrible.

Grand Un : « Dans les années 1960, la réflexion urbaine s’est construite autour de l’autoroute A 87 qui devait desservir la ville. On n’y a donc pas construit de transport collectif lourd. »
Grand Deux : « Les ménages qui avaient un travail ont peu à peu quitté Clichy pour réduire leur temps de transport, ce qui a accéléré la paupérisation de la ville. »
Grand Trois : « Lorsque l’on interroge les entreprises sur leurs besoins, elles en expriment trois principaux : l’accès aux transports, un cadre de vie satisfaisant et l’agrégation à un tissu économique. » (là c’est François Dubois, chef du service Aménagement à la Direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement d’Île-de-France, qui parle)
Grand Quatre : « L’essentiel du foncier ayant été réservé ayant été réservé au logement, il en reste très peu pour accueillir des entreprises. Ce qui appauvrit encore plus notre commune, qui ne bénéficie pas de retombées en économiques. »

Il ya deux ans, on avait promis le T4 à Olivier Klein pour 2017. Finalement, c’est repoussé, mais toujours dans les cartons. Le secrétaire d’État au transport, Alain Vidalies, l’a dit : « L’infrastructure sera achevée en 2018. » Bon.

Tout le monde l’aime

En 2021, au sud, le T10 devrait tracer une mini boucle entre Antony et Clamart. Plus à l’est, le T9 est prévu pour aller de la porte de Choisy à Orly ville. Sur son chemin, quasi en ligne droite, il devrait rencontrer pas moins de dix correspondances de toutes sortes : bus, tramway, métro, T-Zen, TVM, Grand Paris Express. Un vrai chaînon manquant. L’enquête publique qui s’est tenue l’été dernier sur le projet a délivré, sans surprise, un avis favorable à sa déclaration d’utilité publique, demandant au maître d’ouvrage parmi ses recommandations de poursuivre des études de faisabilité vers l’aéroport d’Orly. De quoi mettre définitivement sur la touche Orlyval et consacrer le tramway.

Tracé T9
Tracé du tramway T9 entre Porte de Choisy et Orly Ville

Car tout le monde l’aime, ou presque. Chassé un temps du paysage urbain par la voiture, son come-back est fracassant. L’infographie de la Région le prouve, les projets sont exponentiels. Sa fréquentation a progressé de +70% en 2013. Le T3, dans portion Garigliano-Ivry est passé de 55 000 voyageurs par jour en 2006, lors de son lancement, à plus de 130 000 en 2012. Le T1, prévu pour transporter 52 000 personnes la journée, en accueillait 125 000 en 2013. A chaque nouveau tram, les projections sont vite dépassées : le T5, lancé en juillet 2013, transporte déjà 44 200 personnes alors qu’on en attendait 30 000. Des chiffres qui collent au taux de satisfaction de 82% que cite la RATP. « Les voyageurs aiment le fait d’être à l’extérieur dans des rames lumineuses, silencieuses, écologiques, expliquait le directeur général adjoint de la RATP en charge des opérations de transport, Philippe Martin, au Parisien au printemps dernier. Le temps de transport est garanti grâce au site propre. Et puis il bénéficie d’une belle image grâce aux aménagements extérieurs travaillés. »

Et maintenant Paris (intra-muros) !

C’est aussi ce que pense Jean-Philippe Huet, chef de projet T3 à la RATP : « Il requalifie la ville. On a constaté le bond qualitatif, pour les aménagements urbains, opéré entre le bus et le tramway sur cette partie des Maréchaux. Cela a un impact sur la vie des riverains et des commerçants. » Parce que le tram n’est pas un « express », un engin qui doit aller vite pour finir par effilocher la ville. Le T3 avance à 18 km/h et s’arrête tous les 500 mètres. La vitesse idéale, en fait. Et sans l’encombrement des encombrements puisqu’il circule en site propre. Électrique, il ne provoque pas de nuisances sonores. On peut construire autour de lui, on peut aménager. Il se fond dans le paysage urbain avec élégance et humilité. Ses gares ne sont pas de grands gestes architecturaux, mais des stations toutes simples. Son déploiement ressemble à celui du métro parisien, il est incrémental. De fait, il ne rencontre quasiment pas d’opposition sur sa route, il prend la ville tranquillos. À l’opposé de la ligne planificatrice, forcée, événementielle et hypertrophiée du Grand Paris Express (GPE).

Tramway T3, cité U, besopha
Le tramway T3 à Cité Universitaire – Crédit : besopha

Les écologistes qui ont un temps combattu le GPE rêvent, en revanche, que le tram prenne aussi Paris. Candidat EELV à la mairie de Paris en 2014, Christophe Najdovski, aujourd’hui en charge des questions relatives aux transports, à la voirie, aux déplacements et à l’espace public à l’Hôtel de Ville, avait défendu dans sa campagne un projet visant à créer à l’horizon 2020 un tramway de 18 km le long de la Seine reliant le pont de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) à Maisons-Alfort (Val-de-Marne). En vertu d’un accord passé avec EELV, Anne Hidalgo a repris le projet à son compte, mais sans qu’aucune date n’ait pour le moment été communiquée sur le lancement d’études de faisabilité. Le bouclage du T3 entre la porte d’Asnières et le pont du Garigliano a lui été acté.

5 Commentaires

  1. Bonjour,
    pour information, le T1, conçu et imposé en dépit du bon sens (celui qui va dans l’intérêt général), n’est pas encore construit.
    L’opposition y est vive et justifiée !
    L’effet dévastateur du tram est de plus en plus connue et reconnue. Il serait temps que les décideurs se préoccupent des besoins des gens plutôt que des besoins des vendeurs de tram !
    Bien à vous
    PF Gallot-Lavallée

  2. Que l’auteur de l’article se renseigne un peu et vienne faire son enquête à Noisy-le-Sec !

    Le tracé actuel imposé par le maire PCF de l’époque, Jean-Louis Mons (qui lui, recommandait d’aller faire ses courses en voiture au centre commercial de la ville d’à côté …) a déjà entraîné la fermeture de la moitié des petits commerces de la rue . Douze ans après la fermeture, les « dents creuses » ne sont toujours pas comblées.

    Le projet actuel, depuis Noisy jusqu’à Val-de-Fontenay, s’est vu opposé à la volonté de la très grande majorité des Noiséens durant l’enquête publique (à 84 %). En effet, non seulement il coûte extrêmement cher (plus de 1/2 milliard, de très loin le plus cher de France), mais en plus il détruirait complètement le centre ville et ce qui reste de commerçants. Aucune solution quant à l’accès pompiers n’est viable.

    Une solution de passage du métro M15 par la ville existe et serait bien moins coûteuse, plutôt que de retenir le tracé aberrant retenu de cette ligne qui passerait …… sous la voie du RER sur plus de 6 km !

  3. Le tramway (pas le trogui, sorte de tramway au rabais déguisé en tramway par des élus démagos) est un moyen de transport utilisable dans le domaine qui lui est réservé : le cabotage en site propre.

    Dès lors que le flux de voyageurs va au-delà des capacités de ce moyen ferré, les RERs et autres moyens lourds en site propre sont plus appropriés.

    Illustration de cette adéquation (ou de l’inverse) : le tour de Paris par les Maréchaux et en tram au lieu de réutiliser la Petite Ceinture. Ce choix politique à courte vue, dénoncé par la Cour des Comptes, a atteint très tôt ses limites. Avec chance, les Parisiens peuvent encore compter sur la réutilisation de la Petite Ceinture, à condition que les élus locaux veuillent bien ôter leurs lunettes de soudeur !

  4. Le prolongement du Ti de Noisay à Val de Fontenay est un un scandale absolu : un coût astronomique : 70 million du km un prix jamais atteint encore en France.

    Son seul but est de ré urbaniser un quartier de Montreuil. Son intérêt en matière de transport est négligeable. Il ne réduira s le nombre voiture car sa faible vitesse annoncée (16,8 km/h) n’est pas dissuasive.

    Son insertion dans le centre ville de Noisy dans de bonnes conditions est impossible du fait de l’étroitesse des rues : conséquence déficit de sécurité, suppression de 36 % des places de stationnement, reports de circulation très pollueurs,….

    Comme l’indique monsieur Martinet le second scandale c’est le tracé de la ligne 15 entre Champigny et Bobigny qui doublonnerait le rer E sur 6 km puis ensuite le T1 de Pont de Bondy à Bobigny. Substituer à ce tracé aberrant celui de prolongement du T1 permettrait d’économiser 1/2 milliard d’euros.

    Il est vrai qu’actuellement la France regorge d’argent :il n’y a pas de crise on peut continuer à réaliser les projets inutiles conduits contre tout bon sens.

    Et tout cela avec le mépris des décideurs : Huchon, Serne, …..

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