Entretien avec Jean-Louis Blanc, président de la Fédération Française des Véhicules d’Epoque (FFVE).

INTERVIEW. Après deux années d’absence, le salon Rétromobile vient de faire son grand retour à la Porte de Versailles. Si les Parisiens sont nombreux à aimer et célébrer les voitures anciennes, la ville de Paris et le Grand Paris les voient le plus souvent comme des véhicules polluants. Pourtant, si vous souhaitez continuer de rouler en ancienne sans vous soucier des restrictions de la ZFE (Zone à Faibles Émissions), la carte grise de collection sera votre laisser-passer. Nous avons rencontré Jean-Louis Blanc, président de la Fédération Française des Véhicules d’Époque (FFVE), qui a négocié les dérogations avec les métropoles et répond à toutes les questions que se posent les collectionneurs, encore nombreux à hésiter à passer à la carte grise véhicule de collection.
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Qu’est-ce qui définit un véhicule de collection et comment le différencier de ce nous appellerons une vieille voiture ?
C’est un véhicule qui a plus de trente ans, qui n’est plus produit, qui est dans son état technique d’origine et en très bon état de circulation. Tous les autres véhicules qui ne répondent pas à l’ensemble de cette série de critères qui qualifient une voiture de collection, sont juste des voitures anciennes.
Quelle est la contrepartie du statut de véhicule de collection ?
Vous ne pouvez pas en faire une utilisation commerciale ou l’utiliser pour les déplacements domicile/travail. Vous pouvez occasionnellement louer et conduire votre voiture pour un mariage par exemple, mais ça ne doit pas être votre activité professionnelle. C’est pour cela que le parc des 170 000 véhicules de collection circule peu, un collectionneur faisant en moyenne 1 200 km par an. La contribution au trafic automobile étant donc marginale, cela nous a permis de négocier des dérogations pour les véhicules qui ont ce statut. De plus nous avons mis en avant le fait qu’il y a très peu de diesels dans le parc ancien, même si avec l’arrivée des voitures des années 90 la demande est croissante.
Où en êtes-vous avec les ZFE (Zone à Faibles Émissions) ?
Le plus important pour nous est d’avoir réussi à obtenir une vraie reconnaissance du statut de véhicule de collection. Nous pouvons aujourd’hui rassurer l’ensemble des personnes qui roulent avec des véhicules immatriculés en carte grise de collection sur le fait qu’ils pourront continuer de circuler dans les années à venir dans toutes les ZFE de France, qui seront de plus en plus nombreuses. Seule exception, comme nous avons pu le voir le 27 mars, toutes les dérogations sont suspendues pendant les épisodes de pics de pollution (selon l’arrêté interpréfectoral du 16 décembre 2016). Ce qui est assez rare et confirme que le statut de véhicule de collection est une réelle protection.

Vous pouvez nous en dire plus sur la recommandation du gouvernement ?
Alors que la Loi Climat et Résilience était débattue en janvier 2021 à l’Assemblée nationale et défendue par la ministre de l’Environnement, Barbara Pompili, une proposition de loi d’origine parlementaire était débattue et votée au Sénat. Elle comportait deux articles : une dérogation dans toutes les ZFE de France pour tous les véhicules de collection et la création d’une vignette Crit’Air spécifique collection. Cette même proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale, mais n’a pas été inscrite, car pendant le débat de la Loi Climat et Résilience, Mme Pompili avait déclaré que les véhicules de collection n’avaient pas de soucis à se faire concernant le droit à circuler au sein des ZFE et qu’il ne s’agissait que de modalités techniques à mettre en place ; ce qui est une excellente nouvelle puisque d’ici 2025 une soixantaine de ZFE seront créées en France. C’est alors que, sur un arbitrage du président de la République, le Premier ministre a décidé de recommander à toutes les agglomérations créant une ZFE d’accorder la dérogation pour les véhicules de collection. Nos 46 délégués régionaux surveillent évidemment que cette dérogation soit bien appliquée lors de la création de chaque nouvelle ZFE et vont, si nécessaire, défendre la cause des véhicules de collection. Pour l’instant nous n’avons enregistré aucun refus. Il faut comprendre que ce statut de véhicule de collection est « le refuge », c’est l’inscription de ces véhicules dans l’histoire industrielle française et le respect du patrimoine, c’est la seule vraie protection, c’est en fait ce qui nous différencie des vieilles voitures.
Où en est le projet de création d’une vignette Crit’Air spécifique aux véhicules collection ?
Nous avons été désignés par le Premier ministre pour travailler dessus avec les services du Ministère des Transports. Elle devrait bientôt voir le jour, elle permettra d’éviter de recevoir un procès-verbal automatique quand on roulera en ZFE.
Qu’est-ce qui garantit que la personne qui sollicite une attestation auprès de la FFVE ne va pas utiliser son véhicule pour son travail ?
L’assureur, car vous ne serez pas assuré en véhicule de collection pour un usage professionnel et de plus celui-ci vous demandera de prouver que vous avez bien un autre véhicule en carte grise normale pour l’usage courant. Il y a aussi le risque de contrôle par la police si vous êtes arrêté et que votre véhicule est rempli de matériel professionnel.
En quoi consiste le dossier à remplir pour obtenir l’attestation FFVE ?
C’est extrêmement simple, il vous faut le dossier papier de vingt pages, la carte grise et un appareil photo. Il y a un certain nombre de pièces à vérifier et numéros constructeurs à relever, ainsi que des photos à prendre. Chaque dossier va être instruit par un de nos 73 experts bénévoles que nous appelons les « sachants » qui traitent 30 000 dossiers par an. Si tout va bien, nous vous délivrons une attestation de datation et d’authenticité dans un délai moyen de quatre semaines. Les 20% de dossiers rejetés le sont généralement au début du traitement, car le dossier est incomplet ou bien le véhicule s’avère dès le départ non conforme. Il ne faut surtout pas se dire « ça va passer ! » Nous travaillons sur un système de dossiers dématérialisés, mais pour l’instant, nous ne sommes pas encore prêts.
Deuxième fausse idée « Une carte grise de collection est un acte définitif, je ne pourrai jamais revenir à une carte grise normale ». C’est totalement faux, c’est réversible ! Il suffit de passer un contrôle technique et présenter un dossier à l’ANTS
Les amateurs de véhicules d’époque se posent de nombreuses questions et ils sont encore très nombreux à hésiter à sauter le pas pour immatriculer leurs véhicules en carte grise collection. Les collectionneurs expriment de nombreuses autres craintes à passer en carte grise collection.
Je vais vous lister tout ce qui revient le plus fréquemment. En premier « On ne pourra plus circuler ». C’était vrai auparavant où on ne pouvait circuler que dans son département et le département d’origine. C’est fini depuis 2009, on peut désormais circuler partout, dans toute la France et à l’étranger sans aucune limite. D’ailleurs avec la carte grise de collection on peut aujourd’hui mieux circuler qu’avec le même véhicule en carte grise normale qui sera contraint en France et à l’étranger de respecter les ZFE. A l’étranger on a les mêmes droits que les véhicules des collectionneurs locaux. En Allemagne, vous pouvez ainsi rentrer dans toutes les ZFE allemandes alors qu’avec la même voiture en carte grise normale vous ne pouvez plus accéder aux centres des grandes villes.
Deuxième fausse idée « Une carte grise de collection est un acte définitif, je ne pourrai jamais revenir à une carte grise normale ». C’est totalement faux, c’est réversible ! Il suffit de passer un contrôle technique et présenter un dossier à l’ANTS. La troisième fausse idée qui est souvent liée à la deuxième : « Ma voiture se revendra plus difficilement et moins chère ». C’est aujourd’hui faux, c’est même le contraire, car le fait que la voiture soit passée par tous les contrôles d’experts pour avoir son certificat de collection rassure le futur acheteur. De plus, comme avec la multiplication des ZFE il faudra avoir une voiture de collection pour bien circuler, le futur acheteur préfèrera acheter un véhicule qui a déjà son attestation plutôt que de prendre le risque de voir sa voiture refusée, car elle a subi des modifications qu’il n’aura pas vues.
Vous voyez donc que tous les arguments qui sont mis en avant comme inconvénients ne sont en fait que des avantages. Il y a d’autres avantages que connaissent bien les collectionneurs qui ont une carte grise de collection : un contrôle technique tous les cinq ans au lieu de deux ans et une dispense pour les véhicules antérieurs au 1er janvier 1960, des exigences moins sévères au contrôle technique alors que ceux-ci se durcissent pour tous les autres véhicules et enfin en cas d’accident un véhicule de collection ne sera jamais considéré comme irréparable et envoyé à la casse.
Quelles sont les actions de la FFVE ?
Notre mission est de défendre, promouvoir, faciliter l’entretien du patrimoine automobile. On fait tout pour que ce patrimoine soit vivant, que nos voitures roulent et ne soient pas juste des pièces de musée. Pour cela, nous nous battons pour le droit de circuler, nous organisons de nombreuses manifestations pour attirer le public et susciter la sympathie. Nous avons lancé des concours d’élégance où les collectionneurs peuvent échanger avec le public. Nous avons lancé les Lieux historiques du Patrimoine. Il y a en France une fabuleuse histoire de l’automobile que nous allons célébrer et partager avec un large public en posant des plaques commémoratives sur les centaines de lieux divers qui ont participé à cette histoire. Par exemple, en région parisienne, nous avons une histoire très riche dans le département 92 qui est le berceau de l’automobile en France. Nous nous sommes associés avec la Fédération française des sylviculteurs privés pour planter un arbre pour chaque nouvelle attestation délivrée, ce qui représente 35 000 arbres par an. Nous avons signé avec le ministère de la Culture un partenariat pour les journées européennes du patrimoine.

Ainsi, l’an dernier, nous avons organisé 87 opérations conjointes sur des lieux historiques où nous avons présenté des véhicules d’époque. Cette année, nous serons présents sur 150 lieux, dont le Palais Royal où les véhicules sont exposés à côté des colonnes de Buren. Nous travaillons aussi sur les Youngtimers qui sont collectionnées par des passionnés, mais qui pour une bonne part n’ont pas encore les 30 ans nécessaires pour accéder au statut de véhicule de collection et nous organisons le dernier dimanche d’avril, la « Journée nationale des Véhicules d’époque », avec un seul message : « Sortez-les ! » Et le dimanche du 2e tour de la Présidentielle, nous proposons d’aller voter en ancienne.
Plus d’informations sur le site de la FFVE
« En cas d’accident un véhicule de collection ne sera jamais considéré comme irréparable et envoyé à la casse ».
Le point qui m’a décidé à passer à la carte grise collection. Car mon objectif est de conserver mon véhicule mais aussi de l’utiliser et c’est la meilleur protection qu’offre la carte grise collection.