Actep (T10) : Meccano sur la Marne

En chantier, le futur campus de la Société Générale à Fontenay-sous-bois. Crédit :Indy G
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Mis à jour le dimanche 13 mars 2022 by Olivier Delahaye

PORTRAITS DES TERRITOIRES. Dans la nouvelle carte métropolitaine, l’Association des collectivités territoriales de l’Est parisien gagne deux villes du Val-de-Marne et perd ses trois villes de Seine-Saint-Denis… Un redécoupage que les élus locaux contestent. Depuis 15 ans, l’Actep se cherche une identité.

Dans les années 2000, l’Actep a réuni jusqu’à vingt-trois collectivités territoriales de l’Est parisien, toutes décidées à faire entendre leurs voix. Souhaitant un rééquilibrage du territoire en faveur de l’Est, elles voulaient peser sur les débats concernant le SDRIF et le Grand Paris Express. En 2006, la création de la communauté d’agglomération Est Ensemble entraine le départ de six villes de Seine-Saint-Denis : Montreuil, Bagnolet, Romainville, Noisy-le-Sec, Bondy. Un temps adhérent, Noisy-le-Grand et Gournay-sur-Marne se retirent en 2009. Depuis, l’Actep comptait quatorze membres, dont douze communes, une communauté de communes et un conseil général.

Fin de l’inter-départementalité

Le préfet de région a tranché : aucune des trois villes de Seine-Saint-Denis n’est intégrée au T10. En conséquence, Rosny, Neuilly-sur-Marne et Neuilly-Plaisance rejoignent le T9, Grand Paris Est. Pourtant, dès avril 2014, les élus s’opposaient déjà à l’unanimité à toute partition de l’Actep. Dans ses avant-projets, le préfet avait formulé différentes hypothèses. Dans la première, l’Actep perdait Neuilly-sur-Marne. Dans la seconde, elle perdait Neuilly-sur-Marne, Neuilly-Plaisance et Rosny-sous-Bois. Enfin, un autre projet incluait toutes les villes de l’Actep, mais en y ajoutant deux villes de Seine-Saint-Denis, Noisy-le-Grand et Gournay, et en excluant Maisons-Alfort qui souhaitait pourtant rejoindre le territoire de l’Actep. Finalement, le choix a été fait d’exclure les villes de Seine-Saint-Denis et de renforcer le territoire avec deux villes du Val-de-Marne : Maisons-Alfort et Saint-Maur.

La colère de Laurent Lafon

Interrogé à la veille du choix du préfet, le maire de Vincennes avait réaffirmé son opposition à cette partition :

« Ce nouveau découpage acte une scission de l’Actep alors que nous travaillons depuis 15 ans avec ces trois villes de Seine-Saint-Denis et que nous avons un contrat de développement territorial (CDT) en commun. Cette proposition reste incompréhensible. Si l’Actep n’avait pas existé, je ne suis pas sûr que nous aurions obtenu le lycée international et les dessertes prévues sur Champigny et Val-de-Fontenay. De même, nous avons été les seuls pendant longtemps à porter le projet de transformation de l’A4 en boulevard urbain, projet auquel la Ville de Paris s’intéresse aujourd’hui. C’est d’autant plus incompréhensible que cela fait 15 ans que l’État soutient l’ACTEP. Sur le Grand Paris Express ou les contrats de plan, l’Actep a toujours été l’interlocuteur de l’État. Jamais on ne nous a reprochés d’être une structure interdépartementale. Or, il semblerait qu’aujourd’hui le fait d’être à cheval sur deux départements constitue un problème. Je pense qu’il s’agit de protéger les départements qui se sentent menacés. Ils pensent sans doute que si leurs limites territoriales sont respectées, ils le seront aussi. Dans d’autres territoires, l’État acte pourtant cette inter-départementalité comme avec Argenteuil qui est rattaché aux Hauts-de-Seine. Pour moi, le préfet agit sur ordre de l’ancien président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone. Cette position ne tient aucun compte de notre histoire, de la recherche de bassins de vie et d’emplois. Pourtant, les territoires doivent reposer sur cette notion. »

Un découpage polémique

Lors de la réunion du Conseil des élus de la Mission de préfiguration, le 16 juillet, les maires de l’Actep ont exprimé leur refus en présence du préfet, Jean-François Carenco. Jacques JP Martin, maire de Nogent-sur-Marne rappelait : « Depuis la création de l’ACTEP il y a 15 ans, les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ont toujours soutenu la dynamique territoriale de cette association. L’ACTEP a déjà des dynamiques en commun, notamment l’aménagement du territoire au travers d’une société publique locale. Scinder cette structure va mettre en péril les dynamiques qui existent sur ce territoire et notamment le rééquilibrage en faveur de l’Est francilien. »

Puis il revenait sur la question de la pertinence entre CDT et territoires : « La prise en compte des périmètres de projet devait s’appuyer principalement sur le respect des périmètres des CDT existants. La carte ne respecte pas cela car elle impose un découpage du CDT Entre Marne et Bois et du CDT des Boucles de la Marne. Des cohérences opérationnelles territoriales ne sont donc pas respectées. » Les élus des villes exclues de Seine-Saint-Denis rappelaient eux aussi leur opposition. Difficile de voir dans cette contestation une manifestation uniquement politique tant les profils des maires de l’Actep sont divers, allant des droitiers Patrick Beaudouin et Jacques-Alain Benisti, maires de Saint-Mandé et Villiers-sur-Marne, aux maires communistes de Fontenay-sous-bois et Champigny-sur-Marne, Jean-François Voguet et Dominique Adenot, en passant par des centristes comme Laurent Lafon.

Opposition des villes communistes, ambiguïté de Christian Favier

Majoritairement à droite, l’Actep compte pourtant deux villes communistes : Champigny-sur-Marne et Fontenay-sous-Bois qui sont par ailleurs avec 75 869 habitants et 52 998 habitants les deux plus importantes agglomérations du nouveau territoire. Or, le 7 octobre le conseil municipal de Champigny s’est prononcé à l’unanimité contre le périmètre du futur territoire T10 proposé par l’État. Par ailleurs, il rappelait que la note qui prévoit le respect de la limite des départements comme condition de base pour la construction de la carte n’avait été posée ni par le Premier ministre lors du Comité interministériel à Créteil, ni par le Préfet de région quand il avait rencontré une délégation de l’ACTEP.

De son côté, Christian Favier, président du Conseil départemental, a considéré « choquant de voir apparaître, en plein été, un scénario qui n’avait été proposé par personne et qui n’a été discuté nulle part, mis à part à Matignon », demandant en outre à ce que soient organisés des référendums locaux sur cette question. Néanmoins, il avait précisé avant être favorable à titre personnel à des territoires qui restent dans les frontières des départements, « afin de préserver l’identité départementale », position sur laquelle il indiquait être en phase avec ses homologues de Seine-Saint-Denis et Hauts-de-Seine…

Des CDT en souffrance

Dans leur lettre ouverte, les élus affirment que « l’amputation de l’ACTEP des trois villes de Seine-Saint-Denis remet en cause la logique de bassin de vie et de développement économique de l’Est parisien ». Ils rappellent que « leur travail commun repose sur une logique de projets, soutenue par l’Etat depuis quinze ans, autour notamment des axes structurants que sont l’A4, l’A86 et la RN34 », avec en ligne de mire l’arrivée de la ligne 15 Sud. Pourtant, ce territoire qui comptera cinq gares du GPE (Saint-Maur-Créteil, Champigny centre, Bry-Villiers-Champigny, Nogent Le Perreux, Val de Fontenay) n’a signé qu’un seul CDT le 23 juin 2015, celui des Boucles de la Marne qui concerne Bry-sur-Marne, Villiers-sur-Marne et Champigny-sur Marne alors que l’accord-cadre signé en 2012 incluait aussi Chennevières-sur-Marne aujourd’hui rattaché au T11. Le deuxième CDT, Paris Est entre Marne et Bois, avait été validé par les maires concernés et il était entré dans la phase d’enquête publique en juin 2015. Mais il n’a jamais été ni validé, ni signé.

Un déficit de notoriété

De fait, malgré sa longue vie l’Actep n’a pas réussi à se créer une véritable identité même si Laurent Lafon affirme que son territoire est « marqué par l’histoire et la géographie autour de la Marne ». Très résidentiel, ce territoire ne compte pas véritablement de locomotive économique ni de spécialisation particulière. Certes, Patrick Beaudouin, maire de Saint-Mandé, a parlé d’une « cité scientifique et culturelle » qui mettrait en relation des établissements d’envergure comme l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière dont le siège est à Saint-Mandé,  l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance basé à Paris et l’Institut National d’Audiovisuel qui est à Bry-sur-Marne… Mais où est la cohérence et où sont les synergies ?

Le futur président de la métropole ?

Si le territoire est plutôt méconnu, ses hommes politiques le sont beaucoup moins. Comptant nombre de députés et sénateurs, il pourrait même cacher le futur président de la métropole. Si Nathalie Kosciuszo-Morizet pourrait essayer d’arracher le poste, son profil techno et trop parisien pourrait rebuter nombre d’élus des banlieues. À ce titre, Jacques JP Martin, maire de Nogent sur Marne, pourrait tirer son épingle du jeu pour son sens du dialogue éprouvé depuis le début de l’aventure de Paris Métropole qu’il a par ailleurs présidé en 2011. Autre profil, celui de Gilles Carrez, député maire du Perreux-sur-Marne. Sa parfaite connaissance des finances publiques et son profil d’élu de banlieue pourraient séduire nombre d’élus, dont tous ceux qui ne veulent pas offrir un tremplin à l’ancienne maire de Longjumeau…

T10, Actep
Population (INSEE 2012) : 505 372 habitants
Superficie : 56,3 km2
Conseillers métropolitains : 15
Conseillers territoriaux : 90
Villes :
Bry-sur-Marne
Champigny-sur-Marne
Charenton-le-Pont
Fontenay-sous-bois
Joinville-le-Pont
Maisons-Alfort
Nogent-sur-Marne
Le Perreux-sur-Marne
Saint-Mandé
Saint-Maur-des-Fossés
Saint-Maurice
Villiers-sur-Marne
Vincennes

Territoires de la Métropole du Grand Paris
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