Les gares du Grand Paris Express seront pleines d’énergie

Projet pour la gare GPE de Villejuif, par l'atelier Portzamparc.
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Mis à jour le lundi 31 janvier 2022 by Olivier Delahaye

L’important développement urbain supposé par le Grand Paris possède une équation majeure : produire plus d’électricité tout en conciliant les objectifs de la transition énergétique. Alors que se prépare la construction du nouveau métro, l’objet est de savoir s’il ne pourrait pas concourir à la résolution de l’équation. En d’autres termes, les gares du Grand Paris Express pourraient-elles devenir l’alpha et l’oméga de la révolution énergétique ?

Dès 2012, un séminaire de la Préfecture d’Île-de-France alertait : « 16 000 MW de puissance électrique annuelle sont nécessaires aux usages franciliens. En 2030, ces besoins auront augmenté de 25 %. » Ces 4 000 MW supplémentaires sont dus au Grand Paris Express et à ses 72 gares, à la construction de bureaux et de 800 000 logements, au développement des data centers et au million de véhicules électriques, dont 10 000 bus, bennes à ordures et camions, qui représenteront 500 MW. Dans un rapport de décembre 2013, la DRIEE soulignait : « Une telle évolution rend nécessaire d’adapter l’approvisionnement énergétique de l’Île-de-France qui importe 90% de son énergie ».

La rencontre des énergies

Christophe Donizeau, chef de mission Développement Durable Île-de-France d’ERDF, est parfaitement conscient que les infrastructures qui permettent l’acheminement et la distribution de l’énergie en Île-de-France sont une composante stratégique à intégrer pleinement dans la logique d’aménagement du Grand Paris : « Les producteurs doivent garantir à tout moment ces 4 000 mégawats supplémentaires, sachant qu’aujourd’hui la puissance appelée aux heures de pointe en hiver représente 13 000 mégawatts ». Pour donner une idée, cette demande supplémentaire représente environ 2,5 tranches d’une centrale nucléaire comme Flamanville (1 800 mégawatts), 13 centrales à gaz (300 mégawatts) ou encore 2 000 éoliennes capables de fournir 1 à 2 mégawatts. « C’est considérable, poursuit Christophe Donizeau, même si l’évolution des comportements peut faire descendre cette part à 10% au lieu de 25 ».

L’essor de la mobilité électrique implique une pédagogie, une mutation de l’objet automobile en objet serviciel et une intégration toujours plus poussée des nouvelles technologies dans le réseau électrique. Christophe Donizeau, toujours :

« Il faut planifier et prioriser les investissements que nous évaluons à 7 milliards d’euros d’ici à 2030. Il va falloir étendre et renforcer le réseau électrique, mais aussi le moderniser en y mettant de l’intelligence et davantage d’efficacité. De la production intermittente va apparaitre avec les énergies renouvelables et il faudra la stocker dans des batteries. Le réseau devra avoir l’intelligence de choisir entre l’électricité produite et celle stockée. Il faudra aussi compter sur l’interconnexion des systèmes. La gare du Grand Paris Express ne sera pas qu’un nœud ferroviaire. Elle sera le centre d’un quartier, la rencontre des énergies. »

Gares autosuffisantes

Le rapport de la DRIEE soulignait le rôle moteur de la Société du Grand Paris (SGP) : « Le développement des véhicules électriques doit être favorisé par les aménagements liés au Grand Paris qui peuvent stimuler et intégrer le déploiement de l’infrastructure de recharge et des plates-formes logistiques nécessaires aux usages industriels ». Le Grand Paris offre donc une opportunité unique pour ancrer la transition énergétique dans les territoires et pour respecter les engagements internationaux de la France en réduisant de 20% la consommation énergétique d’ici à 2020. Philippe Yvin, président du directoire de la Société du Grand Paris, est en charge de mener ce projet à bien :

« Pour tenir ces objectifs et développer des solutions énergétiques innovantes, nous travaillons de manière très étroite avec l’Institut de recherche Efficacity. Nous avons commencé à travailler sur la production de géothermie dans les gares de la ligne 15 Sud. Les premières études ont permis de montrer qu’il devrait être possible de récupérer de l’énergie dans 5 des 16 gares : Créteil, Maisons-Alfort, Vitry, Issy-les-Moulineaux et Boulogne. Les analyses ont montré qu’il y avait un potentiel important qui pourrait être utilisé à la fois pour la gare et pour le quartier environnant. Là où il y aura une production de géothermie, les gares seront autosuffisantes en termes de chaleur et de climatisation. Maintenant, nous engageons la seconde phase de cette étude afin d’établir un bilan gare par gare sur la faisabilité de la récupération de ce potentiel, sur les aspects techniques, mais aussi juridiques et économiques. »

La SGP travaille aussi sur la consommation énergétique du matériel roulant. Ces trains de nouvelle génération devraient consommer environ 20% d’énergie en moins. « Non seulement ils consommeront moins, précise Philippe Yvin, mais on devrait pouvoir récupérer davantage d’énergie au freinage. » La SGP étudie donc toutes les formes d’énergie alternative qu’il est possible de développer pour réduire l’empreinte carbone de ses installations, appréhende diverses solutions pour leur consommation énergétique comme l’éclairage à partir de LED avec pilotage numérique, et réfléchit à l’intermodalité électrique qu’elle peut mettre en place autour des gares.

potentiel géothermie grand paris
Le potentiel géothermique cartographié par l’architecte Philippe Villien
dans le cadre du projet Ignis mutat res.

Hubs énergétiques

En novembre 2014, la Société du Grand Paris et l’Institut Efficacity se sont engagés à accélérer la recherche et le déploiement des technologies nouvelles pour faire du Grand Paris Express une vitrine de l’excellence française. Les axes de travail prioritaires explorés sont le recours à la géothermie, la récupération de l’énergie fatale des trains et l’optimisation énergétique entre la gare et son quartier. Au centre des futurs réseaux intelligents d’énergie (smartgrids), la gare de demain devrait donc se constituer en un véritable hub énergétique.

La RATP participe aussi à ces travaux. André Pény, architecte chargé de recherche et d’innovation à la RATP, collabore à Efficacity :

« À la RATP, nous réfléchissons depuis plusieurs années sur la consommation énergétique des gares. En installant des LED, nous avons divisé la consommation de notre éclairage par deux. Aujourd’hui, les trains consomment moins, mais les stations sont de plus en plus profondes. Elles sont équipées de ventilateurs, de publicités lumineuses qui consomment beaucoup. Dans ce milieu souterrain, nous avons aussi besoin d’évacuer les gaz carboniques et la chaleur des installations. Nous nous sommes donc rapprochés de la SGP pour prendre en compte les aspects thermiques : chauffage, refroidissement, ventilation. Au lieu d’avoir des alimentations différentes, l’idée est d’avoir un smartgrid pour que ces énergies se complètent. »

Des batteries géantes

L’un des points cruciaux des recherches que mènent Efficacity concerne le stockage énergétique. « En heure de pointe, tout le monde a besoin d’énergie, mais on ne peut pas surdimensionner les équipements juste pour quelques heures, explique André Pény. Il faut donc envisager des dispositifs de stockage pour lisser l’énergie dans le temps. Lorsque les trains s’arrêtent, l’énergie de freinage pourrait être stockée, nous voudrions la récupérer avant qu’elle ne se dissipe en chaleur. »

La gare, dans son ensemble, pourrait donc communiquer à travers tout ce qui la compose : les trains et leur énergie fatale, l’éclairage, la ventilation, les ascenseurs… tout ce qui consomme et produit de l’énergie. Mais elle pourrait aussi communiquer avec la ville, ou tout au moins son environnement immédiat. « Sachant qu’il y aura de plus en plus de véhicules électriques au-dessus, la gare, en-dessous, pourrait devenir un lieu de distribution de l’énergie, poursuit André Pény. Pas nécessairement dans le sens d’une centrale, mais un lieu de connexion. Les bus qui vont devenir électriques au moment où ces gares ouvriront pourraient aussi y bénéficier de charges rapides. Il n’y a pas encore de décisions, mais ces gares pourraient devenir des sortes de batteries géantes comme des stations-service. »

Plus anecdotique, mais non moins innovante, est la récupération de l’énergie produite par la déambulation des voyageurs. Entreprises et chercheurs travaillent la question. La ville de Toulouse avait mené une expérimentation il y a quelques années à partir d’un trottoir récupérant l’énergie de la marche pour alimenter un lampadaire. « Nous pourrions mener une expérimentation, confirme André Pény. Ce serait marginal par rapport à l’énergie produite lors du freinage d’un train de cent tonnes, mais très démonstratif pour le public qui pourrait observer sur un écran l’énergie qu’il produit lui-même. » Chiche ?

2 Commentaires

  1. Il n’y a pas que l’énergie des trains à récupérer il y a aussi l’énergie fatale induit par les locaux techniques. Leurs mutualisations permettraient aussi la récupération d’une trentaine de KWh contribuant aussi pour partie à chauffer les espaces occupés par le personnel d’exploitation.

  2. NewWind travaille à développer des dispositifs récupérant l’énergie cinétique pour les transformer en électricité verte.Les gares sont un terrain de jeux passionnant pour nos innovation.

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