La RATP veut des bus tous verts pour 2025

Bluebus, du groupe Bolloré
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Mis à jour le dimanche 12 juillet 2020 by Olivier Delahaye

La RATP s’y est engagée. Dans 10 ans, elle aura achevé sa transition énergétique et renouvelé toute sa flotte de bus. Un défi sans équivalent dans le monde pour l’opérateur.

Il y a un an, le PDG de la RATP qui gère la plus grosse délégation de service public au monde (8 Mds€ sur quatre ans) lançait le projet Bus 2025. Pierre Mongin s’engageait alors à ce que l’ensemble de sa flotte fonctionne à l’énergie électrique et au biogaz avec l’ambition de devenir en 2025 le leader mondial du bus propre. Il ouvrait ainsi un cycle de rencontres avec une quarantaine d’élus et d’experts afin de définir le bus de demain qui devra être accessible à toutes les personnes en situation de handicap, offrir une intermodalité maximum, s’intégrer au mieux dans le paysage urbain et surtout ne dégager ni bruit ni émission de gaz à effet de serre.

Première commande en 2015

Dans la capitale, les pics de pollution ont fait l’objet de vifs débats lors de la campagne municipale de 2014. Passée en février 2013 par le Stif, la commande de bus diesel a mis le feu aux poudres. Sous la pression des autorités sanitaires et de l’opinion publique, les autorités politiques et la Régie ont donc opté pour l’un des plans les plus ambitieux de transition énergétique avec le renouvellement de toute la flotte de bus de l’opérateur.

Aujourd’hui, nul ne sait encore quel type de bus, ni quel constructeur emportera ce marché. Mais des choix technologiques ont été faits et des essais ont commencé. À ce jour, 46 bus hybrides (diesel-électrique) circulent déjà sur les lignes 21, 91 et 147 du réseau RATP ; ils devraient être 600 d’ici à mi-2016 sur les 4 500 bus que compte la Régie. Fournis par Ivecobus, Man et Heuliez Bus, ils permettent une réduction de 50 % des émissions de particules fines.

L’un des premiers bus hybrides Man intégrés à la flotte de la RATP, à Paris. Il y a peu, Heuliez a remporté un marché de 250 bus hybrides diesel-électrique
Bus hybride du constructeur Man, intégré à la flotte de la RATP.

Après ce premier pas, la RATP et le STIF vont franchir une nouvelle étape en 2015 suite à l’achat annoncé de premiers véhicules électriques à Bluebus, société du Groupe Bolloré qui les conçoit et les construit. Cofinancée par le STIF et la RATP, cette commande d’un montant de 10 à 40 M€ va permettre à la RATP de tester grandeur nature l’électrique sur une ligne dont le trajet n’a pas encore été dévoilé. Ce bus standard, long de 12 mètres, a une capacité équivalente aux bus actuels et une autonomie qui devrait aller jusqu’à 180 km sans recharge intermédiaire. Comme le souligne Pierre Mongin : « Le bus électrique n’est pas une affaire facile. Nulle part au monde, il n’existe à cette échelle de lignes régulières emportant 90 personnes. Personne ne l’a jamais fait. Bolloré nous l’a proposé, et pour moins cher. »

Biberonnage ou recharge de nuit ?

Cette commande confirme un choix stratégique comme l’explique Sophie Espié, responsable des relations institutionnelles du projet Bus 2025 :

« Nous avons fait le choix technologique de bus rechargeant la nuit, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, les autres technologies comme les bus à biberonnage (qui se rechargent aux arrêt de bus, NDLR) ne permettent pas autant de souplesse du fait des bornes de recharge. En cas de travaux ou de déviations, la ligne ne peut plus fonctionner. De plus, cette technique occupe davantage d’espace public, ce qui nous est souvent reproché. Et puis, nous pensons qu’en 2025 les industriels seront capables de fabriquer des batteries offrant une journée d’autonomie. Ce choix technologique est aussi vertueux si l’on réfléchit aux capacités du réseau électrique. Le biberonnage fait en effet appel à la puissance électrique tout au long de la journée. Une telle demande serait très mauvaise pour la stabilité du réseau. Les pouvoirs publics et ERDF ont donc été très satisfaits qu’on choisisse des recharges de nuit. Ce choix permet en effet d’éviter une augmentation de la production d’électricité pour répondre à ces pics, et donc évite la construction de nouvelles centrales thermiques. Faire fonctionner des bus électriques avec des centrales à charbon aurait quand même été paradoxal ! »

« Le pari, c’est la batterie »

Si Bolloré fabrique déjà les premiers bus électriques qui rouleront dans la capitale, d’autres constructeurs devraient bientôt entrer dans la danse. À ce sujet, Sophie Espié précise : « Des annonces devraient être faites en juin par le STIF et la RATP sur de nouvelles expérimentations, sur le calendrier et les partenaires retenus. Aujourd’hui, tous les industriels sont intéressés car ils ont vu notre détermination ». Dans Le Monde, Pierre Mongin affirmait : « Le pari, c’est la batterie. Mais quand on voit ce qui se passe dans l’automobile, nous sommes confiants. J’ai été convaincu qu’un tel objectif était tenable en m’intéressant à la démarche entreprise par Londres où nous sommes opérateurs. En associant entreprises de transport et constructeurs, le prix des bus hybrides a fortement baissé. Pour l’électrique, nous pouvons entreprendre la même chose ». Dans le courant de l’année, un appel d’offres sera lancé pour tester plusieurs technologies électriques sur quatre lignes et des constructeurs mettront sans doute à disposition des prototypes.

Page d'accueil du site Bluebus
Page d’accueil du site Bluebus

La course aux bus est lancée

Forte d’un chiffre d’affaires de plus de 5 Mds€, la Régie est devenue l’une des entreprises de transport les plus profitables d’Europe, une condition importante pour résister à l’ouverture des marchés prévue à partir de 2024. Car tous les grands acteurs mondiaux, qu’ils soient exploitants ou fabricants, se sont lancés dans la course. En Angleterre, à Milton Keynes, 8 bus électriques du constructeur britannique Wrightbus sont expérimentés sur une ligne régulière. Faisant partie d’un programme de recherche mené par la division européenne de la société japonaise Mitsui et le groupe britannique Arup, ils sont rechargés la nuit mais aussi par induction à chaque bout de ligne, ce qui leur permet de récupérer en dix minutes les 2/3 de l’énergie consommée lors de leur dernier trajet.

schéma bus Wrightbus
Schéma de principe du fonction des bus Wrightbus.

À Londres, le constructeur chinois BYD teste avec l’opérateur Go-Ahead London des bus de douze mètres qui permettraient, selon son fabricant, de baisser les coûts d’utilisation de 75 %. À Mannheim, en Allemagne, Bombardier teste des bus qui se rechargent à chaque arrêt en une vingtaine de secondes par induction au niveau du sol, l’alimentation en énergie enfouie limite ainsi l’occupation de l’espace public. Au Japon, pays ayant fait le choix risqué de l’hydrogène, Toyota expérimente un premier bus de 10,5 mètres pouvant accueillir 77 passagers. Combinant technologies hybride et pile à combustible, il peut embarquer jusqu’à 480 litres d’hydrogène dans ses huit réservoirs.

L’Europe s’essaye aussi à cette technologie. En Belgique, le constructeur Van Hool va expérimenter avec la société canadienne Ballard 21 bus à hydrogène grâce à un financement européen du programme 3Emotion qui regroupe 14 partenaires et 6 pays. Aujourd’hui, nombre de ces programmes sont subventionnés et il est difficile de savoir quel modèle technologique offrira les meilleurs coûts de construction et d’exploitation, surtout lorsque les appels d’offres se multiplieront.

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